Mathieu Bermann réussit un beau premier livre
sur la complexité des relations amoureuses aujourd’hui.
“Ensemble, nous le sommes avec Lisa depuis suffisamment longtemps pour nous permettre de ne pas l’être au sens où l’entendent les gens.” Un trentenaire parisien vit un couple très libre. Il sait que Lisa vient d’entamer une relation avec un autre, cela ne le dérange officiellement pas, même s’il s’inquiète tout de même.
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De son côté, il est tombé amoureux de Valentin. Mais il hésite à franchir le pas avec ce jeune homme rencontré par hasard, tant il tient à leur amitié. Alors il va voir d’autres garçons, plans cul facilesdont il oublie les prénoms. Valentin, lui, s’interroge sur la nature des sentiments de Joram. Coucheront-ils, ou pas ?
Virtuose, ludique et grave, novateur et proustien
On ne saurait imaginer sujet plus rebattu que l’amour, et pourtant. Par son intelligence, son extrême maîtrise de la phrase, l’incarnation de ses personnages et la subtilité de ses observations, Mathieu Bermann signe un premier roman virtuose, ludique et grave, novateur et proustien.
“Me touche la manière dont les gens se débattent avec ce qu’on appelle amour, rejetant ce qu’ils croient ne pas en être et cherchant ce qui n’en est pas forcément”, confie le narrateur.
L’auteur décrit cette classe moyenne urbaine, diplômée et décomplexée, où chacun est libre de vivre comme il l’entend, afficher ses orientations sexuelles, se marier ou pas. Très finement, il met à jour une difficulté nouvelle, contemporaine, à laquelle se confrontent ces individus.
Mille métamorphoses du langage amoureux
Car comment se débrouiller avec toute cette liberté ? Comment choisir entre l’un et l’autre ? Et le narrateur ne peut que constater : “La liberté sexuelle peut prendre de drôles de tournures.” Bermann ne juge pas. De sa prose elliptique, jalonnée de références littéraires, il préfère suggérer que démontrer.
Mais au-delà des aventures et déconvenues de ses personnages, il interroge avant tout les mille métamorphoses du langage amoureux, la puissance de l’implicite – “le non-dit étant la meilleure conciliation possible entre idéal et réel” –, passant chaque expression banale au crible et c’est en cela, probablement, qu’il est le plus intéressant.
Et derrière la légèreté apparente du propos court la noirceur d’un regret, celui du premier amour. Le douloureux souvenir de Luca, mort à 22 ans, hante les pages.
Amours sur mesure (P.O.L), 160 pages, 12 €
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