C’est la rentrée, la romancière belge publie donc un roman qui, comme chaque année, se vendra. Dans ce cru 2015, remake paresseux d’une nouvelle de Wilde, elle convoque aussi Bernanos, Electre ou Stendhal.
Une copie à deux balles d’Oscar Wilde
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Son look plus gothique que dandy n’empêche pas la romancière belge de se prendre pour Oscar Wilde. Son dernier livre est une pâle resucée du Crime de Lord Arthur Savile, célèbre nouvelle de Wilde. La situation de départ est identique dans Le Crime du comte Neville : comme à Lord Savile, une chiromancienne annonce au comte Neville qu’il va commettre un crime.
Petite variante chez Nothomb : la victime sera l’un des invités de l’ultime réception organisée par Neville, aristocrate belge désargenté, très à cheval sur l’étiquette. Un meurtre en pleine garden-party ferait terriblement désordre ! Personnages aux prénoms étranges – la fille du comte s’appelle Sérieuse –, sous-texte autobiographique – Amélie Nothomb est issue d’une famille noble belge – et champagne à gogo : même déguisée en Oscar Wilde, on t’a reconnue, Amélie !
Un livre paresseux et sans âme
Bien que bardé de références grandioses – Wilde, donc, mais aussi Stendhal, Bernanos, et la tragédie grecque avec des personnages prénommés Oreste ou Electre –, il s’agit d’un tout petit conte paresseux sans la moindre envergure. Ce n’est pas parce qu’elle vient du Plat Pays qu’Amélie Nothomb peut se permettre de telles platitudes : style atone, dialogues creux et sans rythme, humour qui fait pschitt, redondances (il faudrait compter le nombre d’occurrences de l’adjectif “taciturne”).
L’écriture sans âme ne vient pas sauver une intrigue sans enjeu. Sérieuse propose à son père qu’il la tue afin de résoudre son dilemme, mais tout est tellement écrit d’avance que l’on se contrefout des tourments des protagonistes. S’il y a bien un crime, c’est ce roman mortellement ennuyeux. “Il n’est qu’une chose horrible en ce monde, un seul péché irrémissible : l’ennui”, Oscar Wilde.
Quand les poses de l’auteure écrasent ses livres
Comme le beaujolais nouveau, Amélie Nothomb revient depuis plus de vingt ans, à l’automne, gratifiant chaque rentrée littéraire d’un nouveau roman avec une régularité de métronome. Il y a des crus buvables (Pétronille, l’an dernier), d’autres carrément insipides, sans même un arrière-goût de banane. Peu importe, le public est acquis et quelle que soit leur qualité, les livres d’Amélie Nothomb se retrouvent toujours en tête des ventes.
La publication annuelle fait partie du mythe Nothomb, comme ses chapeaux, son penchant pour les fruits pourris… Mais à mesure qu’elle façonne son personnage, elle semble négliger ses textes, figée dans le rôle qu’elle s’est créé pendant que ses livres rabougrissent. On pense alors à une autre œuvre de Wilde : Le Portrait de Dorian Gray où Gray conserve sa beauté pendant que le tableau vieillit à sa place.
En chiffres
15000000 Le nombre de livres, selon son éditeur, qu’Amélie Nothomb aurait vendus en France, toutes éditions confondues. Un chiffre communiqué en 2012 à l’occasion des vingt ans de carrière de la romancière. Mais la tendance est à la baisse, ses cinq derniers livres n’ayant pas atteint les 200000 exemplaires en grand format.
24 Le Crime du comte Neville est le vingt-quatrième livre d’Amélie Nothomb. Depuis son premier roman, Hygiène de l’assassin, publié en 1992 et d’abord modestement tiré à 5000 exemplaires, la Belge publie un livre par an. Ses romans sont traduits dans quarante langues.
93000 Le nombre d’exemplaires écoulés de son précédent roman, Pétronille, deuxième meilleure vente de la rentrée littéraire 2014, derrière Le Royaume d’Emmanuel Carrère (chiffres GfK). Sorti le 19 août, Le Crime du comte Neville est déjà classé en troisième position.
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