Longtemps, le terme “dandysme” n’a été appliqué qu’aux hommes. Alister répare cette injustice, preuves à l’appui, dans un essai féministe.
Ceux qui ont eu la chance de voir la garde-robe de Marlene Dietrich au Palais Galliera en 2003 seront d’accord avec Alister : le dandysme n’est pas qu’une affaire d’hommes. Si le dandysme est l’art de se réinventer par le style, de s’habiller et de vivre selon ses propres règles contre la nature, ou la vulgarité du grégarisme, tel le Des Esseintes de J.-K. Huysmans dans A rebours, alors les femmes y ont autant, sinon plus que les hommes, leur place. Pourtant, le dandysme semble avoir été, au cours des siècles, une étiquette seulement réservée aux hommes : Beau Brummell, Baudelaire, le comte de Montesquiou…
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La misogynie de Baudelaire
Pourquoi ? Peut-être parce que le dandysme désignant une attitude politique (une forme de résistance snob et élégante), un contrôle pratiqué sur son propre corps, une flamboyance et un retrait du monde que seule pouvait permettre une indépendance financière, ce terme ne pouvait être appliqué aux femmes, longtemps considérées comme idiotes, dépendantes, et dénuées du droit de vote.
Comme l’écrivait le misogyne Baudelaire dans Mon cœur mis à nu : “La femme est le contraire du dandy. Donc elle doit faire horreur. La femme a faim et elle veut manger. Soif, et elle veut boire. Elle est en rut et elle veut être foutue. Le beau mérite ! La femme est naturelle, c’est-à-dire abominable. Aussi est-elle toujours vulgaire, c’est-à-dire le contraire du Dandy.” La femme, un animal ?
Fondateur et rédac chef de la revue Schnock, Alister fait acte de féminisme en réparant cette injustice dans La femme est une dandy comme les autres. Dans ce livre à la fois instruit et ludique, il avance, preuves à l’appui, que le dandysme (au féminin) va être l’outil des femmes, au tournant du XXe siècle, “pour asseoir leur émancipation sociale, ébaucher une déclaration d’indépendance (…). En cela, le dandysme féminin est sans doute plus politique (à son corps défendant) que son homologue masculin”.
Les dandys femmes urvivent longtemps
On fera d’abord un tour par l’histoire pour sonder l’émergence d’un dandysme féminin : les précieuses au XVIIe siècle, les merveilleuses en 1794, et en Angleterre au milieu du XVIIIe, les dandizettes, un groupe de femmes plus ou moins travesties en hommes.
Puis George Sand, puis Colette, etc. Alister nous plonge dans une série de portraits de femmes toutes indépendantes, transgressives, souvent bisexuelles ou homosexuelles, des plus connues (Françoise Sagan, Joséphine Baker) à de plus obscures ou oubliées, telles la peintre Rosa Bonheur ou la romancière Rachilde.
En toute cohérence, à la fin, l’auteur aborde la mort : alors que les dandys hommes sombrent dans la déchéance, il semblerait que les dandys femmes leur survivent longtemps. Quand la nature, ce “mal” rejeté par le dandysme, a parfois du bon.
La femme est une dandy comme les autres (Pauvert), 190 p., 18 €
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