Le président de la République a été kidnappé. Denis Lachaud imagine une révolution qui aurait lieu de nos jours. Fiction inflammable.
Ressortez vos bonnets phrygiens et aiguisez les guillotines. Le changement, ce n’était manifestement pas pour maintenant, mais la révolution, c’est pour bientôt. C’est du moins ce qu’imagine Denis Lachaud, auteur d’une dizaine de livres, metteur en scène et comédien. Le titre de son nouveau roman, Ah ! Ça ira…, refrain d’un hymne sans-culotte, annonce à lui seul la couleur : le rouge du sang des puissants qui s’apprête à couler.
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Le livre s’ouvre de nos jours, dans une réalité à peine transposée : inégalités, précarité, morosité. Le président de la République quitte comme chaque matin le domicile de sa maîtresse (pure fiction) pour regagner l’Elysée. Avenue de Versailles, trois hommes se tiennent en embuscade. Leurs noms de code : Saint-Just, Marat et Robespierre. Le groupe Ventôse.
Le soulèvement populaire, c’est le mirage du XXIe siècle”
Les néorévolutionnaires enlèvent le chef de l’Etat et le tuent, espérant par leur geste embraser le peuple, déclencher l’incendie. Ils ne causent que leur propre perte. Antoine, dit Saint-Just, finit en prison. Vingt ans plus tard, en 2037, sa fille reprend le flambeau avec des méthodes plus proches d’Occupy Wall Street en squattant les Champs-Elysées. Car rien n’a changé. Au contraire, la situation a empiré. Les migrants sont parqués dans des “zones de séjour temporaire”, la Grèce exclue de l’Europe est exsangue, les conditions de vie sont de plus en plus difficiles. Et si cette fois, le feu prenait ?
Ah ! Ça ira… débute comme une série télé sous tension scandée par les flashes info pour ensuite faire sa révolution et muer en manifeste politique sous couvert de fable dystopique. Le résultat pèche parfois par excès de naïveté ou de symbolisme appuyé (la fille d’Antoine se prénomme Rosa, comme Rosa Luxembourg ; nom de famille Léon, comme Trotski). Mais avec son côté cahier de doléances, le roman nous met face à une question fondamentale : combien de temps supporterons-nous encore tout ça sans rien faire ? “Le soulèvement populaire, c’est le mirage du XXIe siècle”, lance un des personnages. L’insurrection littéraire, elle, a déjà commencé.
Ah ! Ça ira… (Actes Sud), 432 pages, 21,80 €
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