Ce conte initiatique à l’héroïne attachante aborde avec humour les questions liées aux situations de double culture.
Une des grandes réussites de Djinns est son rythme, une phrase à toute allure. Elle embarque dialogues et disputes pour se suspendre parfois soudainement, le temps d’une hésitation de la narratrice, Penda. Qui se débat entre mille difficultés. Le même jour, elle perd son job à la supérette où elle travaillait depuis la fin de ses études et apprend l’internement en HP de Jimmy son voisin – une garde à vue qui a mal tourné.
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La grand-mère de Penda, guérisseuse, en est persuadée : pour sauver Jimmy, il faut appliquer ses méthodes à elle, et non celles de la psy. Mais voilà : elle n’a plus d’iboga, une miraculeuse plante médicinale africaine. Comme elle se souvient en avoir planté en forêt de Fontainebleau, elle charge Penda d’aller en chercher.
Seynabou Sonko, qui est musicienne et interprète sous le pseudo de Naboo, a étudié l’écriture créative à Montréal, Bruxelles et à l’université de Paris 8. Elle signe ici un premier roman qui échappe aux classifications, à la fois exploration intime, conte initiatique et récit d’une vie de quartier.
Son djinn, sorte de voix intérieure censée la guider, est un Blanc, elle en est certaine
Conquis·e par les personnages
L’autrice sait contourner les clichés et aborder avec originalité différentes thématiques liées à l’immigration. Ainsi, la situation de double culture : Penda aimerait hériter des dons de guérisseuse de sa grand-mère, mais son djinn, sorte de voix intérieure censée la guider, est un Blanc, elle en est certaine. La conversation drolatique et rageuse qu’elle entretient avec ce double, qui met en lumière ses contradictions, est une des réussites du livre. Cela dit, au-delà de l’humour, l’autrice sait montrer de manière implacable ce que signifie aujourd’hui être jeune, femme, noire et pauvre.
La grand-mère, Jimmy l’inadapté et Chico le bon copain, prêt à suivre Penda n’importe où
On est vite conquis·e par les personnages. Penda bien évidemment, qui file comme le vent sur son skateboard et dont la détresse se dévoile peu à peu. Mais aussi la grand-mère, Jimmy l’inadapté et Chico le bon copain, prêt à suivre Penda n’importe où. Sonko distille au fil des pages des informations sur leur passé. La grand-mère a été bannie par les siens au Sénégal et n’a jamais revu ses frères. Jimmy, dont la mère blanche a sombré depuis longtemps, rêve d’aller en Afrique pour rencontrer son père.
Ce court roman pourrait être perçu comme une simple chronique du quotidien de jeunes adeptes de punchlines et fumeur·euses de joints. Il se révèle pourtant d’une construction extrêmement élaborée, et porte un nouvel éclairage sur l’infinie complexité des histoires d’immigré·es.
Djinns de Seynabou Sonko (Grasset), 180 p., 18 €. En librairie le 11 janvier.
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