Nouvelle incursion du côté du fantastique pour Tristan Garcia, avec un roman composé de sept histoires où l’on croise mannequins, drogués et extraterrestres. Des personnages en quête d’ailleurs.
“Elle est retrouvée ! – Quoi ? – L’Eternité.” Tristan Garcia pourrait faire siens ces célèbres vers rimbaldiens tant l’idée d’éternité revient hanter ses livres. Elle se trouvait déjà au cœur des Cordelettes de Browser (2012), première incursion du côté de la SF pour le romancier, qui s’est fait connaître en 2008 avec La Meilleure Part des hommes, chronique réaliste des années sida. Depuis, Tristan Garcia n’a cessé de surprendre, passant d’un essai philosophique à un livre sur les séries télé avant de revenir à la fiction.
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L’écrivain renoue cette fois avec le fantastique et ses thèmes de prédilection quand il explore cette veine : le temps, l’immortalité, l’infini. 7, chiffre magique entre tous, ouvre les portes de ces ailleurs auxquels on rêve pour tenter d’oublier la réalité de notre finitude. Dans ce livre composé de sept romans, on saute d’une histoire à l’autre comme l’on glisserait dans un vortex pour passer de multivers en multivers.
Les correspondances entre les fragments se dévoilent peu à peu
Ce roman en forme de ruban de Möbius s’ouvre par le texte intitulé “Hélicéenne”, le nom d’une drogue qui permet de revivre sa jeunesse. Suivent “Les Rouleaux de bois”, où un guitariste découvre d’étranges cylindres qui contiennent toute la musique à venir ; “Sanguine”, sur un mannequin au visage parfait que rien ne semble altérer ; “La Révolution permanente”, dans lequel Hélène, militante communiste, découvre le monde tel qu’il aurait été si le Grand Soir avait eu lieu ; ou encore “L’Existence des extraterrestres”, rêverie ufologique sur fond de théorie du complot.
Les correspondances entre ces fragments se dévoilent peu à peu grâce à des motifs récurrents qui sont autant d’indices semés par l’auteur : une chanson, des silhouettes, des noms de lieux tel Mornay, ville fictive qui servait déjà de décor à Faber, le précédent roman de Tristan Garcia. La clé de l’ensemble, son “architecture invisible”, se cache dans l’ultime texte, “La Septième”, hypnotique boucle temporelle.
La religion ou les idéologies politiques sont de pures fictions
Qu’ils croient en la jeunesse éternelle, en la venue d’un messie ou simplement dans un avenir meilleur, les personnages de 7 se racontent tous des histoires. Tristan Garcia nous donne à voir la religion ou les idéologies politiques comme de pures fictions, des mirages qui permettent aux hommes de se projeter dans un ailleurs, dans une vie autre que la leur. Cette vie qui se heurte toujours implacablement au même mur : la mort.
A moins de posséder le don d’immortalité, comme le narrateur de “La Septième”. Mais même l’éternité est un leurre, une impasse. Une stase, comme Jim Jarmusch l’a si bien montré dans son film Only Lovers Left Alive, avec ce personnage de vampire qui vit son immortalité comme un fardeau.
A travers ces univers parallèles, Tristan Garcia ne parle de rien d’autre que de notre monde et surtout de notre condition humaine, de l’énergie que l’on met à tenter vainement de s’en arracher, et de nos désillusions. Roman ultrasensible et mélancolique qui réaffirme le pouvoir et les limites de la fiction, 7 nous donne au moins sept bonnes raisons de nous réjouir d’être mortels.
7 de Tristan Garcia (Gallimard), 576 pages, 22 €
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