On peut se dorer au bord d’une piscine et rester curieux ! Notre sélection de poches à emmener partout cet été.
– Pauvre Miss Finch de William Wilkie Collins
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Une jeune aveugle ardente et fortunée, de mystérieux jumeaux, des cambrioleurs aux méthodes sanglantes et un chirurgien adepte des opérations miracles : de quoi bâtir en 1872 un mélodrame victorien riche en substitutions d’identités et affolements du balancier amoureux. Mais un mélodrame féministe et subtilement sensuel, où la vue et la voix mentent tandis que la vérité du coeur passe par l’épiderme, par le contact cutané et par les frissons intimes.
Cette révolution sensorielle s’accompagne dans Pauvre Miss Finch d’envolées étonnamment insurrectionnelles. En faisant de la veuve française d’un révolutionnaire sudaméricain la narratrice de son roman, William Wilkie Collins s’offre en guise de porte-parole une pasionaria dont le programme politique ferait presque passer celui du Front de gauche pour une anthologie de platitudes socialdémocrates. Dotée d’une ironie ravageuse et d’une énergie folle – lesquelles ne sont nullement incompatibles avec des talents de pianiste éprise de Mozart -, cette insolite dame de compagnie rappelle que le précurseur de Conan Doyle (on lui doit les deux premiers romans policiers anglais, Pierre de lune et La Dame en blanc) et ami proche de Dickens fut également l’un des romanciers les plus progressistes de son époque.
Pauvre Miss Finch (Libretto), traduction anonyme de l’anglais revue et corrigée par Frédéric Klein, 542 pages, 12,80 €
– L’art du jeu de Chad Herbach
Du base-ball, un campus et Herman Melville. Avec ce premier livre, Chad Harbach signe un pur roman américain, un condensé de mythologies made in USA, et inscrit ses pas dans ceux d’aînés imposants, comme Philip Roth et son Grand Roman américain, où il était déjà question de battes et de gants de cuir. Un tel héritage aurait pu écraser l’ambition d’Harbach, réduire son projet à un pâle ersatz. Il n’en est rien. Henry, le héros, est un jeune prodige du base-ball qui débarque au Westish College, une petite université du Wisconsin. Garçon solitaire, il devient vite la coqueluche de l’équipe locale, baptisée les Harponneurs, un clin d’oeil parmi d’autres à Moby Dick. Surdoué, Henry rattrape toutes les balles. Jusqu’au jour où il en rate une.
Impeccablement construit, L’Art du jeu est un roman sur la grâce et la perte de l’innocence, un texte sensible sur l’entrée dans l’âge adulte, et plus particulièrement dans l’âge d’homme. Même sans rien connaître au base-ball, on se prend totalement au jeu de ce livre subtil et émouvant.
L’Art du jeu (Le Livre de poche), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Dominique Defert, 696 pages, 8,10 €
– Un concours de circonstance d’Amy Waldman
Bordel de merde ! C’est un musulman ! » Stupeur chez les membres du jury chargé de désigner l’architecte du mémorial dédié aux victimes du 11 Septembre, qui doit être érigé sur les ruines du World Trade Center. Le lauréat, un citoyen américain, se nomme Mohammad Khan et pour lui, c’est une victoire empoisonnée. Son nom va bientôt cristalliser les haines, devenir l’objet d’affrontements violents et déchaîner une vague d’islamophobie. Avec ce premier roman sous tension, Amy Waldman, ancienne journaliste au New York Times, montre à quel point les valeurs fondatrices des Etats-Unis ont vacillé depuis les attentats. N’épargnant personne – ni les conservateurs les plus vils ni une certaine hypocrisie progressiste -, elle fait entendre les voix discordantes d’un pays confronté à ses failles, met à nu ses contradictions. Une radioscopie grinçante de l’Amérique post-11 Septembre.
Un concours de circonstances (Points Seuil), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Laetitia Devaux, 480 pages, 8 €
– Y revenir de Dominique A
La nostalgie signifie littéralement la douleur du retour. En ce sens, le livre du chanteur Dominique A qui, pour ce texte, a préféré reprendre son patronyme complet d’Ané, est un récit d’apprentissage nostalgique d’où sourd une douce mélancolie. Y revenir, c’est d’abord un retour à Provins, le lieu de l’enfance, étouffant, figé dans le passé, « un lieu âpre, où vivre ne se faisait pas », mais qui l’a profondément imprégné. C’est aussi un retour sur soi, sur son parcours, sur le pacte scellé avec la musique, cette échappatoire salvatrice. Les mots apaisent, le réconcilient avec la ville, avec son passé. L’écriture prolonge le travail cathartique de ses chansons. On y retrouve la même poésie, minimale et limpide, qui teinte la nostalgie de nuances subtiles et l’estompe peu à peu, pour faire émerger un sentiment autre, entre plénitude et détachement.
Y revenir (Points Seuil), 96 pages, 4,70 €
-Le sexe des cerises de Jeanette Winterson
On l’a (re)découverte en 2012 avec Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?, récit d’émancipation queer dans l’Angleterre puritaine des années 70. Plus de vingt ans avant cette confession poignante, Jeanette Winterson signait ce texte déjà irrigué par les thèmes de l’enfance et de l’éducation, sous forme d’un conte à la Dickens empreint de punk attitude. L’histoire de Jourdain, orphelin adopté par « la Femme aux chiens » à Londres, illustre idéalement ce mythe de l’enfant trouvé cher à Winterson, point de départ de la construction identitaire. Roman foisonnant, féerique, en révolte contre l’ordre établi, une virée chatoyante dans les mondes imaginaires et écorchés de l’enfance.
Le Sexe des cerises (Points), traduit de l’anglais par Isabelle Delord-Philippe, 216 pages, 6,30 €
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