[Patrick Modiano et Les Inrocks 1/5] Entre le romancier qui aurait pu devenir cinéaste et l’actrice liée à l’histoire de Cannes depuis Les Parapluies de Cherbourg, la conversation a quitté les rivages vulgarisés de la Croisette pour le grand (écran) large. L’occasion d’évoquer le fantôme d’Antonin Artaud et les producteurs à cigare, l’attente des comédiens et celle de l’écrivain, les starlettes des années 60 et les salles de quartier disparues, les lieux de la Nouvelle Vague et l’érotisme germanique.
Après Houellebecq, Godard, Gossip, Isabelle Huppert ou les frères Gallagher, voici notre première série consacrée à un Prix Nobel au pedigree depuis longtemps lié à notre ADN. Écrivain des errances, piéton de Paris et des cafés perdus, Patrick Modiano nous a une nouvelle fois séduits avec Encre sympatique, son dernier roman. Avec lui, comme il a su si bien le faire tout au long de son œuvre, nous remontons le temps et le fil des souvenirs.
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Avant d’aller au Festival de Cannes pour la première fois, quelles impressions en aviez-vous ? Est-ce qu’il vous faisait rêver ?
Catherine Deneuve – Non. Comme quand on me demande quelle héroïne de cinéma ou quel film me faisaient rêver quand j’étais enfant… Le cinéma ne me faisait pas rêver. Je me souviens avoir été transportée par des histoires, mais je n’étais pas fascinée par le milieu et je n’ai jamais eu de héros ou d’héroïnes de cinéma. Je n’ai été épatée que par des rencontres. Peut-être que pour Patrick, Cannes est un endroit qui évoque beaucoup de choses mais pour moi, pas du tout. Jusqu’à ce que j’y aille, que j’y aie des émotions, le Festival de Cannes n’avait aucune résonance intime. Et vous, quel est le premier Festival de Cannes auquel vous êtes allé ?
Patrick Modiano – Je n’étais pas vraiment au Festival, j’étais juste à côté, par hasard, sur la Côte d’Azur, chez des copains, quand j’étais adolescent… Je regrette, j’aurais aimé y être et voir de mes propres yeux, c’était en 1959, l’année des 400 coups et de l’apparition de la Nouvelle Vague… Après, je n’y suis jamais allé. Mais je me souviens du Festival de Cannes dans les années 1950… De personnages comme Errol Flynn… qui faisaient des choses bizarres…
Catherine Deneuve – (elle rit et le coupe) Ah oui, évidemment, les Américains qui viennent passer dix jours sur la Côte d’Azur, pour le plaisir de vivre un peu décalé, comme ça, au soleil… Mais de toute façon, en dehors de certains films, le cinéma n’est pas quelque chose qui me fait rêver. Mon admiration est toujours professionnelle ou bien naît d’une rencontre personnelle. Pourtant, j’adore Al Pacino, j’ai une passion pour Marilyn Monroe ou Louise Brooks, mais ce ne sont pas des personnages qui m’ont fascinée. Je crois que ce n’est pas du tout mon fonctionnement de me fabriquer des mythes de cinéma. Même avant d’en faire, adolescente, je n’ai jamais eu de photos d’actrices ou d’acteurs dans ma chambre… Et puis de toute façon, il n’y aurait pas eu la place, on était trois. Bien sûr, quand j’ai commencé, je lisais Ciné-Monde, comme tout le monde.
Patrick Modiano – C’est vrai… Au fond, ce qui est important, c’est le film. Quand on pense à une actrice, on pense à un film…
“Quand je rencontre des petits enfants qui veulent voir l’héroïne de Peau d’âne ? Avec cette robe dorée, cette couronne, en train de chanter, faire sortir des poussins des œufs, comment voulez-vous être à la hauteur de cette image ?” Catherine Deneuve
Catherine Deneuve – Oui, quelquefois. On a envie de rencontrer les acteurs d’un film et je comprends que les gens soient fascinés, mais ils ne peuvent qu’être déçus. « Déçu » n’est pas le mot, mais ça ne peut pas remplir le… Tout à l’heure, je suis arrivée chez un ami, un jeune ami, il était en train de regarder le câble et j’ai dit « Mais qu’est-ce que c’est que ça ? C’est moi ? » C’était Peau d’âne et je tombe sur une des plus jolies scènes, celle de la recette. Et évidemment, comment voulez-vous être à la hauteur de cette image après ? Quand je rencontre des petits enfants qui veulent voir l’héroïne de Peau d’âne ? Avec cette robe dorée, cette couronne, en train de chanter, faire sortir des poussins des œufs… Bon, je prends un cas limite, mais je trouve qu’il est très symbolique de l’image que se font les gens des acteurs et des actrices. Moi, c’est comme si j’avais toujours su, même avant de faire du cinéma, que les acteurs n’étaient pas ces personnages merveilleux.
Patrick Modiano – Les actrices sont émouvantes quand elles sont uniquement des actrices de cinéma, quand il n’y a rien de théâtral chez elle. Par exemple vous, vous êtes une actrice totalement cinématographique, vous n’avez rien de théâtral.
Retrouvez toute notre série Patrick Modiano
>> Episode 2 Patrick Modiano en 2007 : “Grand écrivain, c’est bizarre comme concept”
>> Episode 3 Patrick Modiano en 2014 : “Le Nobel m’a fait l’effet d’être quelqu’un d’autre”
>> Episode 4 “Encre sympathique”, Modiano à la recherche du temps perdu
>> Episode 5 [Vidéo] Interviewer Patrick Modiano, c’est comment ?
Catherine Deneuve – C’est ce que François Truffaut disait. Et c’est sûrement pour ça que je ne fais pas de théâtre. C’est vrai que les actrices de cinéma et de théâtre sont très différentes. Je comprends qu’on puisse penser qu’une actrice de cinéma ne peut pas faire de théâtre et réciproquement. Quelquefois, je trouve des acteurs formidables au théâtre et quand je les vois au cinéma, je me dis que ce n’est pas du tout le même genre. Ce n’est pas le problème de savoir lequel est le plus sérieux ou le plus important. Le théâtre reste quelque chose de très stylisé, où il faut exprimer les choses beaucoup plus. Alors qu’au cinéma, c’est le contraire : plus on garde, mieux c’est puisque la caméra vient tout capter. Le cinéma, quand ça marche, c’est une loupe. Ce sont deux disciplines très contradictoires, à l’opposé l’une de l’autre en ce qui concerne le jeu de l’acteur.
Patrick Modiano – C’est pour ça qu’une actrice me touche quand il n’y a rien de théâtral chez elle. Peut-être parce que quand on écrit des romans… Le théâtre est quelque chose d’étranger au roman alors que le cinéma est très proche… Par exemple, votre voix n’a rien de théâtral, c’est une voix de cinéma. Le théâtre est magnifique quand on le lit mais quand on le voit, les voix sont toujours portées alors qu’au cinéma on peut chuchoter, comme dans un roman. Le cinéma est comme un frère du roman.
Catherine Deneuve – Une actrice de cinéma, on peut imaginer surtout quelqu’un comme vous la prendre dans un film et la transporter dans un roman. Vous pouvez continuer à la faire vivre dans un roman parce qu’elle est à la fois dans quelque chose de quotidien et de mystérieux. Une actrice de cinéma, on a toujours l’impression que quelque chose peut se prolonger avec elle… Avec une actrice de théâtre, c’est difficile de se dire « Tiens, demain, cette femme, si je la rencontrais à l’aéroport ? » Le théâtre ne provoque jamais ce genre de transfert.
Patrick Modiano – Le cinéma est beaucoup plus fluide… Plus proche de la vie et du roman…
Catherine Deneuve – Il est plus charnel. Au théâtre, même quand c’est formidable, même si on est ému, on reste quand même toujours spectateur.
“Au cinéma, les émotions sont très proches de celles du roman…” Patrick Modiano
Patrick Modiano – Il n’y a jamais d’intimité au théâtre…
Catherine Deneuve – Oui, quand je vais au cinéma avec des gens que je ne connais pas, dans le noir, et que je regarde l’écran, c’est comme dans un film de Woody Allen : j’ai l’impression par moments de rentrer dans l’écran. Au théâtre, sûrement à cause des lumières, du velours rouge, je reste une spectatrice, une spectatrice privilégiée mais une spectatrice. Au cinéma, je deviens l’héroïne de l’histoire, je suis prise.
Patrick Modiano – Exactement comme quand on lit un roman. Au cinéma, les émotions sont très proches de celles du roman…
Catherine Deneuve – Quand on lit un roman, on le reconstruit avec ses yeux : on imagine les gros plans, les plans larges, les travellings… Parce que je crois que le cinéma, comme le roman, laisse le champ plus libre à l’imagination. Le théâtre est une représentation alors que le cinéma imite la vie.
Patrick Modiano – Oui… Et les actrices de cinéma, celles qui sont vraiment cinématographiques, ne sont pas théâtrales dans la vie. Il y a un naturel… Ça m’avait frappé parce que vous aviez déclaré que la perspective de faire du théâtre, c’était quelque chose qui vous…
Catherine Deneuve – (le coupant) Ça m’attire beaucoup mais, en même temps, il y a quelque chose qui me bloque. Mon angoisse est d’être sur scène devant des gens. Le cauchemar que je fais tout le temps, c’est que je joue au théâtre, que je ne sais pas le texte qu’on n’a pas répété et que je dis « Je ne peux pas monter sur scène ! On n’a pas travaillé ! »
Patrick Modiano – Moi, je rêve que la date de la première arrive… Les journées avancent et je n’arrive pas à apprendre le rôle…
Catherine Deneuve – Un jour, il n’y a pas très longtemps, j’ai rêvé une chose insensée. Annie Lennox me demandait de jouer du saxo avec elle sur scène et je lui disais « Mais c’est impossible ! Je ne joue pas de saxo ! Je ne peux pas ! » Et on montait sur scène dans vingt minutes ! C’est la même situation, la même anxiété d’être en représentation devant des gens, pétrifiée, incapable de pouvoir assurer. C’est curieux…
Mais vous pourriez avoir la même angoisse sur un plateau de cinéma, avec toute une équipe qui vous regarde et vous attend pour tourner.
Catherine Deneuve – J’ai aussi fait des cauchemars sur le cinéma ne pas me souvenir de mon texte par exemple, mais très rarement. On ne tourne que quelques minutes par jour et puis l’équipe technique est très occupée, chacun a quelque chose à faire, vous ne vous sentez pas observée. Il faut vraiment qu’il y ait beaucoup de figuration pour que vous vous sentiez clouée au pilori, observée de toutes parts. C’est ce que ne comprennent jamais les gens qui viennent sur les plateaux, qui vous demandent « Comment faites-vous pour supporter toute cette attente entre les prises ? Vous ne vous ennuyez pas ? » Mais l’attente du cinéma n’est pas angoissante car elle n’est pas vide, ce n’est pas une attente neutre. C’est une attente chargée, on est dans un état de tension et de veille permanentes. C’est très usant… (A Modiano) Vous n’avez pas trouvé ?
Patrick Modiano – Oui… Mais ça ne me dérange pas parce que c’est la même chose quand on écrit. Il y a des attentes interminables… On écrit pendant une heure et on ne fait rien le reste de la journée, on rêve, on reste dans un état d’attente. Quand j’entends des écrivains dire qu’ils écrivent cinq heures par jour, ça m’a toujours paru bizarre… On ne peut pas se concentrer très longtemps. L’activité romanesque, c’est des fragments mis bout à bout, comme le cinéma. Quand j’ai commencé à écrire, je reculais sans arrêt l’heure de travailler, comme dans la nouvelle de Fitzgerald qui s’appelle L’Après-midi d’un écrivain, où il recule sans arrêt l’heure de travailler et finit par se soûler.
Pour Généalogies d’un crime, le film de Raoul Ruiz, c’était la première fois que je faisais l’acteur, sûrement la dernière d’ailleurs… (rires, protestations) Mais les lieux ont une telle importance pour moi… J’étais impressionné que le tournage se passe dans cet hôpital psychiatrique de Ville-Evrard, où Artaud a été interné… Je crois beaucoup à ce genre de coïncidence, qu’il ait lui-même tourné dans des films et qu’il ait été enfermé là, c’était étrange… Et puis, on entendait des hurlements pendant qu’on tournait, il y a des malades encore maintenant, je me disais que ce n’était pas un hasard et tout ça se mélangeait dans ma tête…
Mais ce que j’aimais, c’était l’attitude de Raoul Ruiz, il gardait toujours son calme, n’élevait jamais la voix, il avait une certaine douceur… comme les plus grands metteurs en scène, je crois. Plutôt que ces gens qui portent leur uniforme de metteur en scène, comme quand j’avais accompagné ma mère qui tournait avec Autant-Lara… Il criait sur ses comédiens, c’était une manière terrible de… Je n’ai jamais compris cette espèce de théâtralité des metteurs en scène. Alors que la placidité de Ruiz me semble typiquement cinématographique… Même pour les comédiens, ça doit être la solution… se laisser glisser dans le rythme du film, presque faire la planche. C’est très proche de l’écriture, de ce que je ressens quand j’écris… Mais il y a moins de solitude que dans l’activité littéraire j’enviais ce travail d’équipe…
Catherine Deneuve – La différence quand même, c’est que moi je subis, ce n’est pas moi qui décide quand on tourne. Tandis qu’un auteur, c’est sa responsabilité s’il arrête d’écrire. Un acteur, c’est passif par rapport à ça, il est en position de retrait, ce qui est très agréable et très dangereux. Pour vous, ce doit être pareil : ce n’est pas parce que vous décidez d’arrêter d’écrire que vous pouvez faire ce que vous voulez, vous reposer, l’agitation doit rester dans la tête… En fait, on ne peut pas se reposer vraiment, faire ce qu’on veut pendant cette attente.
Patrick Modiano – C’est ça. Ecrire est une activité un peu pénible parce que c’est une sorte de mise en veilleuse qui dure pendant plusieurs mois… Fitzgerald avait trouvé une image… Il disait que ça consistait à rester longtemps sous l’eau, il y a un côté un peu asphyxiant, on est obligé de se déconnecter et d’être son propre critique. Le plus difficile, c’est de se dédoubler. Et puis il faut garder l’impulsion de la rêverie initiale, alors qu’une phrase va mettre trois semaines à se retrouver sur le papier… Au bout d’une semaine, on n’a plus aucune motivation et pourtant, il faut continuer sur sa lancée, même si l’impulsion de départ faiblit. C’est ce qui est intéressant, tous ces problèmes… Cannes… (soupir)
“Cannes, je trouvais ça beaucoup plus beau quand ça se passait la nuit. On voyait des espèces de flashes, des gens plus ou moins lumineux qui semblaient sortir de la nuit” Catherine Deneuve
Catherine Deneuve – Mais de toute façon, Cannes, je trouvais ça beaucoup plus beau quand ça se passait la nuit. Ça a perdu énormément de mystère. Pour moi, le symbole de la médiatisation du Festival, c’est que l’image soit abîmée à cause des télévisions, du journal de 20 heures, que tout soit exposé en plein jour. Avant, il y avait déjà les télévisions mais c’était la nuit, à 9 h. On voyait des espèces de flashes, des gens plus ou moins lumineux qui semblaient sortir de la nuit. Du coup, les photos étaient d’une beauté magique. Quand on compare les photos d’il y a vingt ans et celles d’aujourd’hui…
Patrick Modiano – C’est devenu des photos d’identité…
Catherine Deneuve – Et c’est pareil pour la montée des marches. Les vraies vedettes de Cannes sont devenues les télévisions, qui ont toutes des micros extrêmement sensibles et du coup, on entend une espèce de brouhaha banal.
Patrick Modiano – Alors qu’avant, c’était mystérieux parce qu’on voyait les gens parler, mais on n’entendait pas ce qu’ils disaient. Et en plein jour, on ne voit plus les flashes qui crépitent…
Catherine Deneuve – C’est devenu très cru. Il ne reste que les images des télés et du bavardage. Dans les albums sur Cannes qui sont parus, on sent bien cette progression vers la photo d’identité.
Patrick Modiano – Je me demande quand ça a basculé… Dans les années 1970 ?
Catherine Deneuve – Plutôt dans les années 1980. Quand les télévisions sont devenues indispensables au cinéma. C’est le revers de la médaille du poids de Canal + dans la production de la quasi-totalité des films français. C’est comme les César, c’est devenu un spectacle de variétés. Les gens sont contents de tout voir, les robes, les belles filles… Par exemple, je ne comprends pas pourquoi on ne fait pas l’éclairage de la scène avec des poursuites. Si on voyait arriver les gens dans le halo lumineux d’une poursuite, ce serait beaucoup plus beau, au lieu de les éclairer des pieds à la tête. Il faudrait que ça devienne un vrai spectacle. Maintenant, il faut juste respecter le timing des télévisions.
Est-ce que ça reste quand même un peu amusant, un peu ludique ?
Catherine Deneuve – Moi, ça ne m’amuse pas, c’est quelque chose de presque déprimant. Quand tout est fini, c’est un peu comme le lendemain de Noël : même si on a eu plein de cadeaux, c’est fini. Le lendemain, c’est comme si vous n’existiez plus.
Patrick Modiano – Ce qui est bizarre, c’est que Catherine soit allée à Cannes aussi jeune… Quand on commençait très jeune dans les années 1960, il y avait encore ces espèces de mastodontes. Maintenant, tout s’est un peu égalisé, mais à l’époque… Je suis sûr qu’en 1964, à Cannes, il y avait encore…
Catherine Deneuve – … Il y avait encore les grands producteurs américains mythiques…
Patrick Modiano – Oui, c’est ça…
Catherine Deneuve – … qui arrivaient avec leurs yachts, leurs cigares et leurs limousines, comme Sam Spiegel, qui vivaient comme des nababs, qui donnaient des fêtes extraordinaires et passaient un mois à Monte-Carlo après le Festival. Moi, la première fois, j’avais 20 ans et j’étais vraiment comme une gamine. Avoir 20 ans il y a trente ans, ce n’est pas comme avoir 20 ans aujourd’hui. Maintenant, les actrices de 20 ans ont commencé à 15 et je suis étonnée de voir comment elles parlent. Elles savent vraiment ce qu’elles veulent. Moi, j’en aurais été incapable.
Patrick Modiano – Quand on commençait, que ce soit dans le cinéma ou dans la littérature, même s’il y avait les gens de la Nouvelle Vague, il y avait encore tous ces énormes types… Les Mauriac… C’était un autre monde…
“Cannes, ce n’est pas possible de ne pas y aller du tout ?” Patrick Modiano à Catherine Deneuve
Catherine Deneuve – Aujourd’hui, il y a des jeunes producteurs. A l’époque, les producteurs avaient 65 ans, c’était impressionnant. C’était ça, la jeunesse : penser que tous les autres sont vieux et qu’il n’y a que vous qui êtes jeune. Et puis les enjeux étaient quand même moins lourds. Aujourd’hui, la sanction est beaucoup plus immédiate. A l’époque, il me semble qu’on était moins vite rappelé à l’ordre, à la dure réalité matérielle, tout était plus artisanal et il y avait plus d’insouciance. Aujourd’hui, un film joue sa carrière en trois jours et il faut lutter pour l’insouciance.
Si je voyais maintenant ces mêmes producteurs américains sur mon écran de télévision, suivis 24 heures sur 24 par les caméras, je trouverais sûrement ça beaucoup moins mythique. Avec la télévision, vous êtes obligé d’être bien tout le temps, d’être souriant tout le temps, vous êtes presque en apnée. On est obligé d’être un peu plus conscient qu’on ne le voudrait, il faut faire un effort pour parvenir à garder un peu de naturel. Bon, il faut fonctionner avec, mais moi, je ne suis pas sûre de gérer ça très bien. Cette année, je vais aller très peu à Cannes.
Patrick Modiano – Mais ce n’est pas possible de ne pas y aller du tout ?
Catherine Deneuve – Ecoutez, tout est possible et j’ai vraiment envisagé de ne pas y aller du tout. Parce que j’ai quand même été très souvent en compétition et j’ai quelques souvenirs douloureux. Mais j’irai à la clôture pour remettre une Palme. Comme ça, j’aurai l’impression que c’est quand même quelque chose de cinéma. C’est le moment où on parle des films, qu’on soit d’accord ou pas avec le palmarès. Mais je reconnais que Cannes, c’est un peu comme la case prison du jeu de l’oie : une case obligatoire. On y reste quelques jours et après, on peut recommencer à jouer, sans avoir touché vingt mille francs (rires)... En plus, je trouve que le Festival est particulièrement difficile pour les films français, ils sont plus en danger que d’autres. Je sais qu’il m’est arrivé d’aller à Cannes, avec un film que j’aimais, en pensant que c’était une erreur d’y aller.
Même de loin, est-ce que vous suivez le Festival ?
Patrick Modiano – C’était quelque chose qu’on suivait quand il y avait des choses nouvelles : Les 400 coups, Les Parapluies de Cherbourg ou La Dolce vita. C’était émouvant quand on avait l’impression que quelque chose de neuf était en train de se passer, qu’il y avait un événement artistique, un grand film… L’année des 400 coups, on était passés directement des films de Walt Disney à… En fait, les films de la Nouvelle Vague ont été les premiers films « pour adultes » qu’on voyait. Mais Cannes… Je me souviens aussi d’injustices terribles
Catherine Deneuve – Oui, l’année des Parapluies, ma soeur était aussi en compétition avec La Peau douce, qui a été très mal accueilli alors que c’est un film magnifique. Et je me souviens très bien de Pialat en train de brandir le poing et de dire « Si vous ne m’aimez pas, eh bien moi non plus ! » C’était la déclaration d’amour de quelqu’un de blessé. J’avais trouvé ça très bien.
Patrick Modiano – Est-ce que c’est arrivé qu’un metteur en scène soit pris de panique et qu’il n’assiste pas à la projection ?
Catherine Deneuve – Oui, c’est arrivé.
Patrick Modiano – Mais est-ce que ce n’est pas une forme de lâcheté par rapport à ses comédiens, une forme d’abandon ?
Catherine Deneuve – Mais ce n’est pas le rôle des metteurs en scène ! C’est normal qu’ils soient angoissés, leur métier ne consiste pas à monter sur scène.
Patrick Modiano – Si ça arrivait à un de vos metteurs en scène…
Catherine Deneuve – Je lui donne un cachet ! (rires)… Et puis devoir protéger quelqu’un vous enlève votre propre angoisse. Je comprends très bien qu’un metteur en scène soit paniqué. C’est un peu comme les cauchemars dont on parlait, c’est comme monter sur le ring sans avoir jamais appris à boxer ! Pour les comédiens, c’est quand même une fonction répétitive, ils ont plus souvent cette épreuve à traverser qu’un metteur en scène.
Patrick Modiano – Je me suis souvent posé la question de savoir si un metteur en scène a le droit de se protéger derrière ses comédiens.
Catherine Deneuve – Oui.
Patrick Modiano – Ce qui m’a toujours ému, c’est ce courage des acteurs… Eux ne peuvent pas se protéger. Quelqu’un qui écrit un bouquin peut se protéger.
Catherine Deneuve – Ce n’est pas une question de courage, ça fait partie du métier, c’est une épreuve incontournable, même si on ne se sent pas doué pour ça. On n’a pas le choix.
Patrick Modiano – Justement, c’est pour ça que j’ai beaucoup d’admiration pour les comédiens… Ils n’ont pas le choix.
Catherine Deneuve – Mais moi, je trouve que c’est quand on a le choix que c’est vraiment du courage ! Parfois, je n’avais pas envie d’aller sur le champ de bataille et on m’y a amenée, pas forcée mais contrainte. Je ne me vois pas comme quelqu’un de courageux, c’est que j’y étais obligée. Le courage, c’est quand on n’est pas obligé de faire quelque chose.
Patrick Modiano – Non, c’est beaucoup plus courageux d’être obligé d’affronter ça.
Quand vous avez été scénariste sur Lacombe Lucien de Louis Malle, était-ce proche de votre travail de romancier ?
Patrick Modiano – C’est proche mais plus difficile… Il faut dépenser plus d’énergie pour un scénario que pour un roman parce que c’est comme un mécano… il faut assembler des pièces. C’est assez ingrat.
Catherine Deneuve – Dans Lacombe Lucien, on sent bien qu’il y a un apport extérieur à l’écriture purement cinématographique. C’est des choses troubles et troublantes, presque pas sympathiques. C’est rare dans un film qu’un personnage soit aussi ambigu, surtout sur cette époque-là. Un scénariste de cinéma n’aurait peut-être pas osé prendre ces libertés avec un sujet pareil, tout en évitant toutes les explications psychologiques.
“Je souffre quand je vois mes propres films en projection privée parce qu’il n’y a pas cette ambiance d’une vraie salle de cinéma” Catherine Deneuve
Vous allez encore beaucoup au cinéma ?
Patrick Modiano – Peut-être moins qu’avant… Il y a eu une période de flottement mais je pense que je vais y aller plus…
Catherine Deneuve – Moi, plus qu’avant. J’ai l’impression de prendre plus de temps pour y aller. Et je revois les films à la télévision, surtout la nuit. Ça me stimule pour découvrir des choses nouvelles. Quand je revois Le Journal d’un curé de campagne de Bresson, un film que j’aime énormément, ça me donne envie d’en revoir d’autres, Mouchette par exemple. Ça relance mon désir de cinéphile. Mais pour moi, le cinéma, ça reste la salle, le silence de la salle ou même la rumeur de la salle. L’ambiance physique de la salle reste très importante pour moi. Et d’ailleurs, je souffre quand je vois mes propres films en projection privée parce qu’il n’y a pas cette ambiance d’une vraie salle de cinéma.
(Catherine Deneuve se lève : deux amies l’attendaient au bar depuis dix bonnes minutes. Elles s’en vont. La conversation continue avec Patrick Modiano.)
Quand vous vous promenez dans Paris, est-ce que vous vous souvenez des salles de cinéma qui ont disparu ?
Patrick Modiano – Oui, sans arrêt… Pour moi, c’est surtout lié aux cinémas de quartier plus périphériques que le Quartier latin. C’est effrayant, beaucoup ont disparu… A la fin des années 70, certaines salles avaient encore leur ambiance propre… Je me souviens du Dernier métro au Marignan, sur les Champs-Elysées… Les salles de théâtre m’émouvaient surtout par ce qu’il y a derrière, les loges, les coulisses, ce dont justement le cinéma s’est servi pour faire des films…
Comment expliquez-vous votre proximité avec le cinéma ? Par le fait que votre mère était actrice ?
Patrick Modiano – Avec la littérature, c’est le seul art proche de moi. Le cinéma m’a beaucoup plus frappé que la peinture ou la musique… Alors qu’il y a beaucoup de gens de ma génération qui ont bifurqué d’une manière naturelle vers le cinéma, je me demande pourquoi chez moi, c’est la littérature qui a repris le dessus… Peut-être parce que je supposais qu’il y avait des tas de problèmes techniques qu’il fallait résoudre, je me sentais mal à l’aise avec ça. C’est comme ne jamais avoir appris à conduire, par une sorte de paresse pour les choses techniques…
Ça m’avait frappé quand Chabrol avait déclaré que la technique, ça s’apprenait en un après-midi… mais je suspectais que ce ne soit pas tout à fait vrai. Moi, je craignais de buter sur des problèmes d’électricien, sûrement à tort d’ailleurs… J’étais obsédé par les plans, il m’arrivait de voir un film six fois de suite pour répertorier tous les plans. Comme le côté technique me faisait peur, j’aimais bien lire des livres sur le montage, la photographie, les problèmes d’éclairage. Je lisais des trucs sur la couleur au cinéma ou sur les différentes lumières…
Par exemple, je voulais comprendre en quoi les opérateurs de la Nouvelle Vague avaient rompu avec la tradition, grâce à des trucs qui avaient été inventés par les correspondants de guerre américains. J’étais obsédé par un chef-opérateur américain, Leon Shamroy, qui a fait Péché mortel avec Gene Tierney et qui faisait une lumière bizarre, avec des teintes très orangées… Une autre chose qui m’impressionnait quand j’étais adolescent : je pensais que tous les grands tempéraments artistiques avaient été broyés par le système… Que ce soit Welles ou Stroheim, Ophuls ou Vigo dont le film (L’Atalante) était devenu Le Chaland qui passe on lui avait même changé son titre…
Baudelaire a été broyé par lui-même, par son propre malheur de vivre tandis qu’eux, ça venait d’éléments extérieurs qui mutilaient leurs oeuvres… Bien sûr, Baudelaire, Verlaine ou Flaubert ont été traînés devant un tribunal, mais on ne mutilait pas leurs oeuvres, elles restaient intègres. Alors que les cinéastes, on massacrait leurs films. Même La Règle du jeu a été coupé, Les Rapaces aussi, Lola Montès… Un metteur en scène doit utiliser beaucoup de son énergie pour persuader des producteurs, des interlocuteurs qui ne le comprennent pas, aux dépens de la pure création artistique.
https://www.youtube.com/watch?v=BI5_hW64v5s
Vous étiez pourtant attiré, vous pensiez devenir cinéaste ?
Patrick Modiano – Oui, mais je pensais que pour être cinéaste, il fallait avoir des qualités de chef… presque de chef d’entreprise, d’organisateur, il fallait savoir résoudre des problèmes pas uniquement artistiques. La littérature, il suffisait d’avoir un stylo… Mais j’étais autant nourri de cinéma que de littérature. C’est paradoxal puisque les gens de la Nouvelle Vague étaient des littéraires… C’était la génération d’avant la mienne et eux se sont axés sur le cinéma… C’est bizarre… Je me suis souvent demandé pourquoi, pour eux, le cinéma l’avait emporté sur la littérature, peut-être à cause de leur activité critique… Mais l’aspect technique qui m’effrayait ne les a pas bloqués… Et puis il fallait quand même savoir diriger les comédiens…
Après Lacombe Lucien, après avoir vu un film en train de se faire, vous avez perdu un peu de cette fascination ?
Patrick Modiano – Non, parce que j’avais déjà accompagné ma mère dans des studios de synchronisation, quand j’avais 12 ou 13 ans… Je savais déjà comment ça fonctionnait. Au contraire, ça me rendait les choses encore plus proches… C’était compliqué parce que ma mère avait un nom et un accent slaves et il lui fallait trouver des équivalents chez les actrices américaines. Elle doublait des actrices qui avaient déjà un accent en anglais, comme Zsa Zsa Gabor dans Les Arpents verts.
“J’avais fait des listes de titres de films absurdes que je n’ai jamais vus, seuls les titres étaient mystérieux… Souvent, le titre était plus mystérieux que le film lui-même” Patrick Modiano
Comment s’est-elle retrouvée dans Bande à part de Godard ?
Patrick Modiano – C’est très compliqué… Elle avait joué une pièce de Giraudoux, la dernière, Pour Lucrèce, où il y avait aussi Anna Karina, ça devait se jouer dans une sorte de festival en Bretagne, un truc bizarre… Même Godard y tenait un petit rôle, c’était l’époque où il était marié avec Karina… Elle les a connus comme ça. Elle a aussi tourné dans un film de Becker, Rendez-vous de juillet. Pour Bande à part, ils étaient venus tourner de la fenêtre de ma chambre… Il y avait Raoul Coutard, ça m’avait beaucoup impressionné, j’avais 18 ans… Et avant, à 14-15 ans, j’étais dans le même quartier qu’eux quand ils tournaient A bout de souffle à l’Hôtel de Suède, et dans un café du côté de la rue Saint-Jacques.
Comme ils tournaient en extérieurs, ils ont capté le Paris de ces années-là pour l’éternité, le Paris d’A bout de souffle ou de Cléo de 5 à 7. A l’époque, ils ne se rendaient pas compte qu’ils allaient laisser au présent tout un bloc de passé. Ce n’est pas de la nostalgie, mais le Paris d’alors, je le vois naturellement dans le noir et blanc de ces films. Comme un de mes romans, Villa triste… Je ne le voyais pas du tout comme quelque chose de rétro mais lié au free-cinema anglais, à des films comme Samedi soir, dimanche matin, quelque chose lié à l’air du temps, pas du tout comme quelque chose de sépia…
Quand Desplechin tourne Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) au café Le Rostand, rue de Médicis, j’ai l’impression que c’est le même café qu’on voit dans le court métrage de Godard, Tous les garçons s’appellent Patrick… Ce qui serait amusant, ce serait de voir les deux films l’un après l’autre, ce serait bizarre, à presque quarante ans de distance… Il faudrait les projeter en surimpression… Les années passent et on retourne toujours sur les mêmes lieux… Dans le film de Desplechin, c’est frappant. Comme dans Un Monde sans pitié de Rochant, la fille, Mireille Perrier, ressemble aux filles de la Nouvelle Vague.
C’est bizarre… La Nouvelle Vague, c’était ça, des gens qui marchaient dans la rue, comme dans Adieu Philippine de Rozier. Je suis resté très marqué par ça… Mais Les Contrebandiers de Moonfleet me fascinait aussi, avec tout ce côté mystérieux, onirique… Mais souvent, j’ai peur de revoir certains films qui m’ont marqué, parce que je sais que ce ne sont pas forcément de bons films. Comme Une aussi longue absence d’Henri Colpi, si je le revoyais, j’ai un peu peur que… ça doit pas être… Ce film m’avait frappé parce que c’était une histoire d’amnésie.
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Est-ce qu’un titre de film suffit à déclencher une rêverie ?
Patrick Modiano – Oui, des films avec des titres bizarres, comme Je reviendrai à Kandara ou Clara de Montargis, des films qu’il valait mieux ne pas voir… il valait mieux les imaginer. J’avais fait des listes de titres comme ça, je les avais répertoriés, des listes de films absurdes que je n’ai jamais vus, seuls les titres étaient mystérieux… Souvent, le titre était plus mystérieux que le film lui-même, qui était sûrement assez banal. C’était aussi lié à la magie des affiches… et à la féerie des salles de quartier. On avait l’impression que le boulevard Ornano était directement relié aux prairies, parce que les cinémas passaient un western qui s’appelait La Fille de la prairie.
Dans ces cinémas, il y avait aussi des odeurs bizarres… On voyait des westerns dans des cinémas qui avaient une odeur urbaine très forte, un peu l’odeur qu’on sentait en passant sur les grilles des métros… D’ailleurs, dans certains cinémas, on entendait passer le métro en dessous… Il me reste des visages de ces années-là, d’il y a trente ans… Je cherche à retrouver un type qui m’avait emmené pour la première fois à la Cinémathèque et dans ces endroits-là. Mais après trente ans, on ne se reconnaît même plus… De toute façon, j’étais assez solitaire, peut-être à cause de la littérature, je ne faisais pas partie d’une bande de cinéphiles.
Vous pensez qu’aller au cinéma peut provoquer une lassitude, que c’est une activité qui peut s’arrêter ?
Patrick Modiano – Oui, c’est peut-être une lassitude physique, on peut plus facilement lire pendant quatre heures que regarder des images indéfiniment… C’est une espèce d’atrophie de l’attention, le cinéma est peut-être plus difficile à soutenir que la littérature. Cela dit, je pense que les grands films, comme La Règle du jeu, ne peuvent pas subir d’usure.
Le cinéma était-il aussi un objet de fascination érotique ?
Patrick Modiano – Oui, mais c’était comique. Dans les années 58-59, il y avait ces films allemands absurdes qui passaient au Midi-Minuit et qui semblaient le comble de l’érotisme, avec des titres du genre Mon corps est à toi... De très mauvais films, faits par des metteurs en scène très louches. C’était une sorte d’érotisme… allemand, je ne trouve pas d’autre mot, avec une ambiance très glauque, genre boîte de nuit de Hambourg. Ça paraît invraisemblable maintenant…
Étiez-vous fasciné par les actrices et les starlettes ?
Patrick Modiano – C’est lié à des souvenirs d’enfance, j’ai vu le côté pathétique des comédiens dans les coulisses… J’avais été très frappé par une fille qui s’appelait Bella Darvi, qui s’est suicidée. Il y avait un côté tragique chez ces filles, elles avaient souvent des destins terribles… On les voit comme des silhouettes, au fond de certains films, c’est bizarre… Il faut bien dire que les gens de la Nouvelle Vague étaient assez puritains, assez timides et fascinés par ces filles qui menaient une vie un peu… Elles apparaissent souvent à l’arrière-plan de leurs films, comme cette fille qui s’appelait Dorothée Blank et qu’on aperçoit dans certains Godard… C’est émouvant parce qu’on les verra pour l’éternité au fond de certains films, elles sont immobilisées par la pellicule…
On ne peut avoir que de la tendresse pour les acteurs et les actrices de cinéma, ils sont tellement fragiles, ils ont de tels problèmes d’identité, on les identifie tellement à des images qui ne leur correspondent pas du tout dans la vie réelle… Et les hommes sont tout aussi émouvants que les actrices… La vie des comédiens, ça ressemble à la course des Six-Jours, il faut faire un sprint à certains moments et puis il faut toujours continuer… C’est ça qui m’émeut beaucoup, ils doivent sans cesse payer de leur personne. Un écrivain peut se cacher derrière son bouquin, eux ne peuvent pas se protéger, ils sont exposés sans arrêt. Il faut vraiment avoir une force incroyable pour continuer sur une longue durée.
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