C’est la saison privilégiée des productions vidéoludiques jeune public, qui s’appuient souvent sur des dessins animés, des univers et des genres établis. Petit voyage en douze temps à travers les jeux pour enfants.
Appelez-moi Stella, Obélix, Bob (l’Éponge). Je suis aussi Krypto le super-chien, Garfield le chat glouton, le meilleur ami des chevaux et des dragons, de la Reine des neiges et du Schtroumpf à lunettes. Appelez-moi Marinette. Les jeux vidéo pour enfants ne sont pas un continent à part, mais un monde incertain et flottant, qui rejoint le reste de la production ludique, s’y superpose et s’en détache soudain, qui l’imite à distance, en faisant tantôt plus, tantôt moins.
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Panoplie
Pièce à conviction n°1 : vroum. En plissant les yeux, on jurerait que c’est le même jeu – et un autre jeu : Mario Kart. Sauf que c’est Schtroumpfs Kart, La Pat’Patrouille : Grand Prix et Nickelodeon Kart Racers 3 : Slime Speedway, tous élaborés selon le même modèle, entre montagnes russes aux décors pittoresques et auto-tamponneuses endiablées. On note que le Schtroumpfs est le mieux fini et celui qui procure la plus forte impression de vitesse, que le Nickelodeon, un rien mollasson, tire bien parti des univers qui y convergent (Bob l’Éponge, Avatar, Jimmy Neutron…) et que le Pat’Patrouille parie sur l’effet de reconnaissance (graphique, sonore…) et la personnalisation des chiens. Mais pourquoi pas, au fond ? Chiot pompier, tortue ninja ou Schtroumpfette, le personnage connu est un doudou à s’approprier, une figurine à manipuler, éventuellement une panoplie à enfiler. Comme avec les champion·nes de FIFA et NBA 2K pour les plus grand·es. Les qualités de l’épreuve comptent parfois moins que le choix de la poupée.
L’enfance du jeu
Hypothèse : le jeu vidéo pour enfants, c’est l’enfance du jeu vidéo. C’est retrouver quelque chose de ces temps éloignés où les consoles faisaient leur entrée dans les foyers, de cette jubilation sidérée à voir les formes à l’écran bouger et les images se transformer selon notre volonté. Peu importe, au fond, que Miraculous : Rise of the Sphinx se révèle très répétitif et imparfait : ce qui compte, c’est de pouvoir contrôler Ladybug et Chat Noir dans leur épopée parisienne. De les faire courir, sauter, valser. Même chose pour Astérix et Obélix XXXL : Le Bélier d’Hibernie qui, comme Miraculous, permet de passer en un instant d’un personnage à l’autre – de changer de déguisement, en somme – ou pour la simulation de bagarre à briques Lego Brawls, qui fait s’animer les jouets.
Mais l’enfance du jeu vidéo, c’est aussi une initiation à ses genres et titres fameux, ces standards (au sens jazzy du terme) qui sont comme réinterprétés, rendus plus accessibles et simplifiés. Miraculous, c’est un peu Devil May Cry ou Bayonetta pour l’école élémentaire, Lego Brawls s’inspire de Super Smash Bros, Astérix et Obélix XXXL tient du Diablo allégé alors que DC Krypto Super-Chien, adaptation du film sorti l’été dernier, ranime la flamme des shoot’em up en 3D du passé comme Rez ou Space Harrier (avec, en bonus, le bonheur de libérer des petits animaux à adopter). Une éducation vidéoludique, quasi.
Mondes de substitution
L’affaire ne s’arrête pas là car, jeune public ou non, il n’y a jamais que le jeu dans les jeux. Il y a aussi des mondes, de substitution, à admirer et habiter, des décors idéalement artificiels dans lesquels se projeter et flâner comme à travers les allées d’un parc d’attractions. Disney, évidemment, est expert en la matière, et l’expérience Disney Dreamlight Valley, qui approfondit celle des Disney Magical World dans un esprit proche d’Animal Crossing, en propose un exemple irrésistible. Si les défis et activités y sont multiples, l’essentiel est dans la place que cet univers nous accorde et dans sa manière de prendre en compte notre présence. Il nous accueille, nous accepte, nous félicite et, ce faisant, confirme, en un sens, notre existence.
Sur un ton à peine moins fantaisiste, c’est la même chose pour Horse Club Adventures 2, souriant jeu d’équitation qui tient aussi du simulateur de promenade à cheval. Mon premier Red Dead Redemption, disons, mais entre copines virtuelles et sous le soleil, avec comme grosse plus-value ce que, dans sa tête, on y apporte soi-même. Idem encore avec Dragons : Légendes des neuf royaumes, bien que sous une forme a priori contraire car la progression s’y révèle essentiellement combattante et linéaire. Mais plus que l’action, c’est le cadre qui compte et qui comble le désir d’ailleurs. Évoluer dans un monde de dragons, voler, cracher du feu : c’est ce qu’il y a avant même l’aventure et c’est déjà beaucoup.
Le plaisir du geste
Enfin, de manière encore plus nette depuis la Wii et les consoles et mobiles à écran tactile, il y a le plaisir du geste. Bonne surprise de cette fin d’année, le jeu de cuisine Yum Yum Cookstar mise à peu près tout dessus dans sa semi-reprise du tube casual Cooking Mama, sous l’angle de la télé-réalité culinaire complété par des éléments de rhythm game qui renouvellent joliment la formule. Car dans ce jeu d’imitation, on ne se contente pas de mimer le mouvement du couteau sur les oignons avant de mettre le poulet au four, mais on fait tout en rythme, voire en dansant, ce qui est très gratifiant. Autre affaire de gestes, Garfield Lasagna Party reprend d’une manière plus traditionnelle le plateau de jeu de l’oie et les mini-épreuves à plusieurs de Mario Party. On capture des insectes avec un aspirateur, on découpe une pizza, on attrape les toasts sautant du grille-pain… Pour un intérêt strictement proportionnel à notre propre entrain.
Un chroniqueur du magazine anglais Retro Gamer évoquait récemment ses “nombreuses heures heureuses” passées, à 9 ans, sur la version Atari 2600 notoirement ratée de Pac-Man. “Je ne savais pas que ce n’était pas bien”, écrivait-il. Personne ne l’avait prévenu. Les productions vidéoludiques pour enfants nous offrent aussi cette leçon : on peut aimer un jeu inabouti pour de très bonnes raisons.
Astérix et Obélix XXXL : Le Bélier d’Hibernie (Microids) ; DC Krypto Super-Chien (Outright) ; Disney Dreamlight Valley (Gameloft) ; Dragons : Légendes des neuf royaumes (Outright) ; Garfield Lasagna Party (Microids) ; Horse Club Adventures 2 (Wild River) ; Lego Brawls (Lego) ; Miraculous : Rise of the Sphinx (GameMill) ; Nickelodeon Kart Racers 3 (GameMill) ; La Pat’Patrouille : Grand Prix (Outright) ; Schtroumpfs Kart (Microids) ; Yum Yum Cookstar (Ravenscourt). Sur Switch, PS4/PS5, Xbox et PC, de 25 à 50€.
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