Nintendo offre un remake à l’un de ses plus beaux jeux de rôle. Vingt ans après sa sortie sur GameCube, il n’a pas pris une ride.
Une reproduction géante de Game Boy Advance (sortie en 2001) sur un mur. Des membres du peuple Pianta, omniprésent dans Super Mario Sunshine (2002), mais peu vu depuis. Quelques thèmes musicaux et effets sonores, aussi. Il faut se montrer attentif pour repérer les preuves que Paper Mario : La Porte millénaire ne date pas d’aujourd’hui.
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Paru il y a près de 20 ans (et chroniqué à l’époque dans les Inrocks), ce deuxième jeu de rôle de la branche Paper Mario – qui en compte désormais six – n’est pas qu’un représentant parmi d’autres, après Mario vs Donkey Kong (joliment réactualisé en février dernier) et avant Luigi’s Mansion 2 (attendu fin juin sur Switch), de la vaste politique de remakes/rééditions dans laquelle s’est engagé Nintendo. C’est aussi un jeu d’une modernité quasi miraculeuse dont les créateur·rices de bien des œuvres plus récentes gagneraient à tirer les leçons.
Mondes mutants
Lançant l’inusable Mario avec une poignée de camarades attachant·es et plus finement campé·es qu’on ne pourrait le supposer (une étudiante Goomba, un Koopa timide mais volontaire, un jeune Yoshi nerveux…) sur les traces de la Princess Peach inévitablement enlevée, La Porte millénaire témoigne d’abord d’une manière très sûre de distinguer l’essentiel de l’accessoire – ce qui ne sera pas toujours le cas dans ses suites souvent alourdies par quelques gimmicks ludiques.
Ici, la quête est un prétexte et l’intrigue générale importe moins que les détails alternativement impressionnistes et saillants de son récit rebondissant et de ses mondes mutants. Quelque part entre Earthbound et Live A Live (pour citer deux fameux représentants anti-académiques du jeu de rôle japonais), ce Paper Mario se transforme généreusement d’un chapitre au suivant.
Le passage du temps
Casse-tête bucolique, épopée gladiatrice, aventure pirate, whodunit ferroviaire… La Porte millénaire devient successivement tout cela, prenant les virages les plus abrupts avec une élégante décontraction en ne suivant qu’un seul principe : celui de l’imagination. Mais pas n’importe laquelle : celle de l’enfant éternel·le qui rêve follement de devenir un·e autre, voire peut-être carrément, dans une poussée d’audace inattendue, lui-même ou elle-même.
Paper Mario est la mise en jeu et en spectacle – l’un de ses motifs récurrents, notamment avec la scène et le public des séquences de combat – de cela. Avec, en bonus, une méditation doucement rieuse sur le passage du temps : ce qu’on sera possiblement un jour, ce qu’on croit avoir été autrefois.
Dans les quartiers ouest de Port-Lacanaïe, où l’on vient reprendre son souffle entre deux chapitres, revoilà ce bon Luigi, toujours avide de nous relater en un monologue interminable – la scène se répète plusieurs fois – l’odyssée mouvementée qu’il est censé vivre parallèlement à la nôtre. Est-ce un peu vrai ou complètement faux ? Un songe éveillé ou une tentative un rien désespérée de se rendre intéressant ? Qu’importe, au fond ? Ce qui compte, c’est la conviction et l’élan, l’enthousiasme de l’instant. Qui retombe rarement au cours des dizaines d’heures de La Porte millénaire, jeu libre et charmant.
Paper Mario : La Porte millénaire (Intelligent Systems/Nintendo), sur Switch, environ 60 €.
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