Riche en propositions ludiques fortes, l’année a été marquée par quelques tendances lourdes et motifs récurrents : la crainte de l’apocalypse, l’importance du texte, la présence du politique, le parti pris de faire confiance aux joueur·euses… Voici nos 10 élus.
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1) PowerWash Simulator
Une simulation de karcher comme jeu de l’année ? Quelle drôle d’idée… Il y a pourtant bien des raisons d’aimer ce jeu d’une douce radicalité qu’est PowerWash Simulator : pour son côté hypnotique et entêtant, pour sa manière de pousser jusqu’à l’extrême (jusqu’à l’absurde ?) la vieille pulsion vidéoludique du nettoyage et du rangement, pour sa manière de poser avec une clarté désarmante l’éternelle question de ce qui fait un jeu vidéo. L’interactivité ? Le défi ? L’immersion ? Surtout, PowerWash Simulator est une expérience extrême et pourtant réconfortante du temps. Au cinéma, ce serait peut-être Gerry de Gus Van Sant ou un film d’Abbas Kiarostami. Sur console et PC, c’est notre jeu de 2022, passionnément.
FuturLab/Square Enix, sur Xbox et Windows. À paraître sur Switch et PS4/PS5.
2) Neon White
Mélange flamboyant de course, plateforme, tir, jeu de cartes et comédie post-humaine mitonné par le surdoué Ben Esposito (Donut County), Neon White fait de sa collection de parcours diaboliques au-dessus du vide à boucler en temps limité une ode au style et à la sensualité. Même échouer y est un plaisir car c’est un excellent prétexte pour recommencer.
Angel Matrix/Annapurna Interactive, sur Switch, PS4/PS5 et Windows.
3) Stray
Un détail distingue d’emblée Stray de la masse des jeux cyberpunk et/ou post-apocalyptiques : son héros est un chat. Qui bouge comme un chat, se fait les griffes sur les canapés et se frotte quand il en a envie contre les androïdes rencontrés dans cette saisissante aventure d’après l’effondrement (changement climatique, pandémie…), en provenance de Montpellier. L’un des grands jeux humanistes de l’année.
BlueTwelve Studio/Annapurna Interactive, sur PS4/PS5 et Windows.
4) Citizen Sleeper
Seule la nécessité d’avoir un bon niveau d’anglais pour en profiter empêche de recommander sans réserves cette merveille de récit d’anticipation mâtiné de jeu de rôle qu’est Citizen Sleeper. Plastiquement superbe, l’œuvre profondément politique et très émouvante du Britannique Gareth Damian Martin (In Other Waters) vaut aussi comme réaffirmation du pouvoir de l’écrit dans le jeu vidéo.
Jump Over the Age/Fellow Traveller, sur Switch, Xbox, Mac et Windows.
5) Kirby et le monde oublié
Bien après Mario, Sonic et les autres, Kirby a fait le grand saut vers le jeu de plateforme en 3D, mais avec quel talent ! Fidèle aux valeurs transformistes et festives de la série, Kirby et le monde oublié en démultiplie les possibilités avec une folle inventivité. On n’est pas loin d’y voir une leçon de vie.
HAL Laboratory/Nintendo, sur Switch.
6) Immortality
Œuvre à la fois la plus radicale et la plus dépouillée de Sam Barlow (Her Story, Telling Lies), Immortality nous fait enquêter sur le destin de la comédienne Marissa Marcel en naviguant à travers un mur d’extraits en croissance permanente : rushes de ses films jamais distribués, séances de travail… Puzzle game d’un genre nouveau et hommage aux actrices, jeu-film en morceaux dans lequel on s’égare jusqu’à l’illumination, Immortality est une expérience sans pareille.
Sam Barlow/Half Mermaid, sur Xbox, Mac, Windows, iOS et Android.
7) Norco
Nourri de littérature cyberpunk autant que Southern Gothic, Norco est d’abord le jeu d’un lieu, la (vraie) petite ville de Louisiane du même nom, dont toute la vie tourne autour de sa raffinerie de pétrole. On ne saurait dire ce qui est le plus admirable entre la finesse d’écriture de ce point & click dense et tourmenté et son pixel art puissamment évocateur. Et si c’était sa manière, sous couvert de fantaisie SF, de nous parler de notre monde actuel ?
Geography of Robots/Raw Fury, sur PS4/PS5, Xbox, Mac et Windows.
8) God of War: Ragnarök
Drôle de destin que celui de la série God of War, défouloir mythologique transmué avec le temps en drame poignant sur la paternité, le sens de la vie et plus si affinités, sans rompre avec sa nature de grand spectacle brutal. Dans la lignée de l’épisode précédent, Ragnarök gagne encore en finesse et en ampleur. Ce blockbuster a une âme.
Sony, sur PS4/PS5.
9) Pick Pack Pup
On pensait avoir tout vu en matière de jeux de puzzle de type match-3 (où il faut rassembler les objets par trois ou plus sur une grille), mais Pick Pack Pup trouve non seulement le moyen de renouveler la formule mais, en plus, associe subtilement sa course au rangement à un récit satirique sur le monde du travail dans ses aspects les plus toxiques et contraignants. Un petit bijou de minimalisme inspiré et la meilleure raison de s’offrir une Playdate, la nouvelle mini-console indé.
Nic Magnier & Arthur Hamer, sur Playdate.
10) Elden Ring et Trombone Champ
D’un côté, Elden Ring, vaste et somptueux jeu de rôle aux allures d’aboutissement esthétique pour Hidetaka Miyazaki et FromSoftware. De l’autre, une joyeuse bouffonnerie mariant rhythm game et comédie. Leurs points communs ? L’exigence et la rigueur car, dans les deux cas, il faut s’accrocher pour ne pas échouer, et aussi cette manière de reformuler l’éternel enjeu de la récompense des joueur·euses. Ici, c’est un petit pas, une note dans le bon tempo, un non-échec éclatant. Les associer pourrait passer pour une provocation. C’est plutôt une profession de foi.
From Software/Bandai Namco, sur PS4/PS5, Xbox et Windows et Holy Wow, sur Windows.
Mentions spéciales
Meilleur come-back : Return to Monkey Island
Meilleur remake : Live A Live
Meilleure compilation : Atari 50
Meilleure rattrapage tardif : South of the Circle
Meilleur concept-album : We Are OFK
Meilleure balade rêveuse en plein air : Paradise Marsh
Meilleure comédie de l’espace domestique : Tinykin
Meilleure enquête humoristique : Frog Detective 3
Meilleure angoisse : Saturnalia
Meilleure dernière partie et après, promis, j’arrête : Vampire Survivors
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