Empruntant au genre du visual novel, le jeune artiste italien Lorenzo Redaelli réussit une première œuvre ludique sidérante.
“Je suis une étoile. Je suis instable.” Une nuit, par sa fenêtre, Nuki l’a vu tomber du ciel. Il est allé voir, a rencontré ce garçon et, d’un coup, tout a changé pour lui. Ils se sont aimés, se sont revus. Sont allés ensemble au Moonage Daydream, un club en vue.
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Et puis Nuki est rentré chez lui pour y attendre fébrilement des nouvelles de Sune. Qui veut le voir, et puis non. Qui exige des choses de lui et réagit à peine quand il les obtient. Qui l’accuse, le rejette, s’auto-déprécie et nie l’importance de Nuki. Avant de l’appeler à nouveau. “Je cours vers une personne qui a besoin de moi au milieu de la nuit”, se dit Nuki, incrédule et léger.
Montagnes russes
Présenté par son jeune auteur italien Lorenzo Redaelli comme semi-autobiographique, Milky Way Prince – The Vampire Star est un nouvel exemple éclatant de jeu vidéo de l’intime, cousin des créations de Nina Freeman, d’If Found…ou de Stilstand. Mais Lorenzo Redaelli se saisit d’abord d’un genre, le visual novel, particulièrement adapté à ce genre de fictions ludiques semi-interactives. “Semi-” seulement parce que le jeu traite d’une situation façon montagnes russes émotionnelles (il me veut, je ne compte pas pour lui, il est toute ma vie…) dans laquelle, justement, les choix semblent limités. C’est une affaire d’amour, d’attirance quasi magnétique, d’histoire qu’on se raconte, de désir. D’emprise, aussi.
Sur cette corde raide, l’émouvant Milky Way Prince évolue avec un talent fou, dans cet espace mental à part où seuls semblent possibles le rêve et le cauchemar, sans juste-milieu ni équilibre entre les deux. Le très torturé Sune est manipulateur et aimant. Nuki découvre avec lui un bonheur inouï et en souffre terriblement. Et ce à quoi cette relation extatique et toxique à la fois mènera dépend au fond de nous, qui accompagnons Nuki. De nos intuitions, de nos choix. Du hasard de ce que, sans en mesurer les conséquences, on décide pour lui à tel ou tel moment précis – trois fins différentes sont possibles ici.
Vampirisme
Jouer à Milky Way Prince, c’est s’immerger dans un feuilleton pop nourri d’influences multiples (parmi celles évoquées par Redaelli : Michelangelo Antonioni, Robert Wilson, Kunihiko Ikuhara…) et nous en évoquant d’autres (le film Velvet Goldmine, la série Serial Experiments Lain) et se laisser porter par ses refrains d’images et d’actions. Devant nous : un livre (qui se rature au fil du temps), un piano électrique, un miroir, la porte de la salle de bain (va-t-on se raser le corps ? Se brosser les dents ? Prendre des médicaments ?) et celle qui mène dehors, pour aller retrouver Sune. Plus tard, on est avec lui, la connexion se fait (le “transfert d’étoile”) et il faut choisir par quels sens interagir. Va-t-on l’écouter ? Le sentir ? Le toucher ? Peut-être devrait-on le goûter, le rapport au vampirisme est assumé.
“Je suis dans un tourbillon d’émotions”, constate Nuki. Un état qu’avec un style sidérant, Lorenzo Redaelli reproduit presque au ralenti et dans toutes ses dimensions, avec tout son éclat et ses contradictions. À la fois métaphorique et cru, son premier jeu est une révélation.
Milky Way Prince – The Vampire Star (Lorenzo Redaelli/Santa Ragione/Fantastico Studio), sur Switch, PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series X/S, Mac et Windows, environ 15€
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