Ouvrage coordonné notamment par Mathieu Triclot et Alexis Blanchet, “Lire les magazines de jeux vidéo” se penche sur l’âge d’or des revues spécialisées.
Les temps sont durs pour la presse spécialisée en jeu vidéo, entre la fin brutale du site Gamekult tel qu’on le connaissait et les difficultés de Canard PC ou de JV. Il fut pourtant un temps où elle était florissante, dans les décennies 1980 et 1990 qu’étudie un passionnant ouvrage collectif paru aux Presses Universitaires de Liège et édité par Sélim Ammouche, Alexis Blanchet, Björn-Olav Dozo et Mathieu Triclot.
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Lire les magazines de jeu vidéo, pour les auteurs, ce n’est pas seulement se replonger avec délices et/ou consternation dans les vieux Tilt, Génération 4, Player One ou Consoles+ de leurs jeunes années mais y saisir une multitude de fils à tirer de manière très méthodique. Il y a la question des “tests” et des notes (sur six, sur dix, sur cent…) attribuées aux jeux, mais aussi le traitement du Japon, la prise en compte (ou non) des conditions de travail au sein des studios, la question du piratage ou du jeu amateur…
Évaluant la place de ce dernier dans deux magazines français, Boris Krywicki (déjà co-auteur du très complémentaire Presse Start), Pierre-Yves Hurel, François-Xavier Surinx et Sophie Bémelmans en viennent par exemple à faire la distinction entre “un jeu vidéo lointain, grand public et peu accessible”, celui des grands éditeurs et game designers souvent étrangers, et “un jeu vidéo de proximité, accessible à qui voudra bien s’initier” qui semble disparaître avec le passage de l’ère des micro-ordinateurs et de la “bidouille” à celle des consoles et de “la création comme pratique hors-norme”.
“Feuilletage temporel”
Étudiant “les stratégies des pirates de jeux vidéo” à travers les petites annonces des magazines, Colin Sidre va de son côté jusqu’à reconstituer le parcours de certains d’entre eux. Par exemple, le dénommé Elie V. commence par vendre des jeux pour le TI-99/4A, acquiert un Spectrum, fonde un club, achète un Apple IIc, commence à “recevoir des programmes et journaux anglais”… Pendant ce temps, comme bien d’autres, Michel P. abandonne la vente pour se limiter aux échanges.
Particulièrement éclairante, la contribution de Mathieu Triclot est consacrée aux “figures de l’avenir du jeu vidéo” dans la presse, des prophéties futuristes aux previews de jeux : “Cette excitation constante participe de la fantasmagorie de la marchandise : c’est tous les jours la veille de Noël, l’abondance est à portée de main alors que l’objet est absent.” Et d’expliquer comment cet “espace du désir” découle d’une “confusion des temps” et du “feuilletage temporel qui l’accompagne”.
Au fil des quinze textes se construit ainsi une histoire imprévue du jeu vidéo, multi-angles et multi-couches, où s’entremêlent les pratiques et les discours, les aspects techniques et la relation avec les autres formes ludiques (des revues foraines à Jeux & Stratégie), les principes journalistiques et la sacro-sainte “passion”. Avec une insistance récurrente sur le fait que la recherche pourrait être poussée plus loin. Car si l’“âge d’or” de cette presse appartient au passé, elle a sans doute encore bien des choses à nous révéler.
Lire les magazines de jeux vidéo – Couverture(s) de la presse spécialisée française (Presses Universitaires de Liège), 204 p., 25€
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