Dans “Zelda – Le jardin et le monde”, de Victor Moisan analyse la saga comme un monde naturaliste aux réminiscences littéraires et philosophiques passionnantes.
“Ce n’est pas la réalité d’une montagne, d’une cascade ou d’un lac dans toute sa majesté que le jardinier cherche à imiter sur plusieurs hectares, mais plutôt l’essence de ce corps naturel, réduite dans un espace conscrit.”
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Depuis sa sortie en 1998, bien des choses ont été écrites sur Ocarina of Time, l’épisode du passage en 3D pour la saga Zelda que beaucoup tenaient alors pour le plus beau jeu du monde, mais aucune de ces innombrables analyses et évocations enamourées ne ressemble au livre que Victor Moisan vient de lui consacrer (et qui, après des ouvrages sur Jim Carrey, Louis C.K. et le film Speed Racer, est la première publication sur le jeu vidéo des jeunes éditions Façonnage).
Un ouvrage sur Ocarina of Time, donc, mais également, à travers lui, sur toute la série star de Nintendo, voire sur le jeu vidéo dans son ensemble, ou en tout cas sa portion aventureuse pour laquelle “l’appel de la virtualité est […] moins une invitation à échapper au réel qu’à l’habituel”.
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Moisan part d’une analogie, d’une intuition qu’il va s’attacher à vérifier, creuser, développer, en l’abordant sous tous les angles à travers les pages de cet essai lumineux magnifiquement illustré par Alex Chauvel.
Pour ce faire, il convoque Jacques Rancière ou Henry David Thoreau (et ses “promenades mythologiques”), Gaston Bachelard, Roland Barthes, Michel Foucault ou encore Baudelaire et ses Correspondances (“La Nature est un temple où de vivants piliers/Laissent parfois sortir de confuses paroles/L’homme y passe à travers des forêts de symboles/Qui l’observent avec des regards familiers”).
Et puis Lafcadio Hearn, dont les textes sur les jardins japonais ressemblent à s’y méprendre à des descriptions d’Ocarina of Time et de la place qu’y occupent les pierres, les arbres, les paysages. Au point que ce qui rapproche le métier de level designer (qui imagine et construit le parcours du joueur ou de la joueuse) et celui de jardinier s’impose bientôt comme une évidence.
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Et si l’ouvrage de Victor Moisan, solide et minutieux mais aussi flâneur et aérien, avait lui-même quelque chose d’un jardin ? Au détour de ses allées alternativement droites et circulaires, on découvre en tout cas de bien beaux reliefs : des passages sur la musique dans Zelda (citations de Fanny Rebillard, autrice d’un livre épatant sur le sujet, à l’appui), sur ce qui rapproche la saga de Twin Peaks (oui : l’influence est directe) ou sur les neuf donjons à énigmes d’Ocarina of Time, étudiés un par un et avec finesse. Pour qui s’intéresse au jeu vidéo, même de manière lointaine et très partielle, Zelda – Le jardin et le monde est une lecture essentielle.
Zelda – Le jardin et le monde de Victor Moisan (Façonnage Édition/“Everglades #3”), 248 p., 20 €. En librairie le 10 novembre.
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