Huit ans après “Bayonetta 2”, la sorcière queer du jeu vidéo est de retour pour une nouvelle aventure aussi folle que réjouissante, cette fois dans le multivers.
“N’es-tu pas une femme hors du temps ?”, lui demande-t-on entre deux corrections infligées aux monstres qui lui servent d’adversaire. “Si, et je préfère ne pas perdre ce temps à écouter tes élucubrations”, répond Bayonetta, la flamboyante sorcière du jeu vidéo, de retour avec le même regard de défi après huit ans d’absence.
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Bayonetta 3 est donc enfin là, et si l’affaire a en partie été revue (en intégrant notamment des éléments du projet Scalebound abandonné par ses développeurs via la possibilité de se faire aider par de puissants démons), c’est d’abord son point de départ scénaristique malin qui attire l’attention.
Car son histoire, par ailleurs passablement embrouillée, s’appuie sur l’idée du multivers pour donner au jeu de PlatinumGames des allures d’Everything Everywhere All at Once de la castagne interactive. Un principe particulièrement fécond pour le jeu vidéo en général et pour Bayonetta en particulier.
Tout, partout, en même temps
L’idée, ici, est donc qu’il existe plusieurs mondes, plusieurs réalités parallèles, plusieurs versions d’un même personnage. Mais Yusuke Miyata, le réalisateur de Bayonetta 3, et ses complices l’utilisent moins comme un cadre narratif strict que comme une autorisation implicite à tout oser, partout et éventuellement en même temps.
C’est ainsi que l’on voyage d’un New York de comédie sophistiquée (Breakfast at Tiffany’s, quasi) à un quartier de Shibuya futuriste et dévasté, en passant par la Chine médiévale en guerre (coucou Dynasty Warriors), quand on ne se relaxe pas dans une ambiance jazzy qui rappelle vaguement la série animée Cowboy Bebop.
On devient une jeune Bayonetta sans pouvoir, un papillon, une araignée ou, selon les démons invoqués, un Godzilla ou un train. Et voilà que nous arrive une grenouille géante, puis un gros chat du Cheshire baptisé Choucou sur son vélo rétro. Mais on repart à l’aventure sur nos rollers lumineux avec une grosse matraque sur le dos. Pas de temps à perdre, effectivement, quand tout est si fou et si bon.
Kirby en talons
Entrant en résonance avec la nature même de la pratique vidéoludique (devenir un·e autre, changer sans cesse d’univers) et plus généralement avec notre rapport (post-)moderne aux images et aux fictions, Bayonetta 3 célèbre la fusion de tous·tes et de tout autant que du réel et du virtuel (à supposer que la distinction ait encore un sens profond), tel un Kirby en talons.
Le résultat est un fastueux son et lumière qui ne craint ni l’emphase ni l’excès, une célébration dandy et néanmoins hédoniste, fondamentalement queer, de toutes les fluctuations identitaires. Aujourd’hui, tout est permis, et ce sera pareil demain, à moins que ce ne soit hier et après-demain aussi.
Un indice : chaque chapitre du jeu, que l’on sélectionne en lançant des fléchettes sur une carte, se divise en “versets”. Cette féerie baroque est une cérémonie, non pas une guerre mais une messe. Sainte Bayonetta, priez pour nous, mère possible du monde à venir, explosé, fragmenté et pourtant rassemblé, en morceaux de toutes les couleurs, vibrants et scintillants. À jouer, évidemment, Bayonetta 3 est absolument réjouissant.
Bayonetta 3 (PlatinumGames / Nintendo), sur Switch, environ 45 €.
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