Le génial Jeff Minter (“Polybius”, “Tempest 4000”…) livre sa vision très personnelle d’un projet de shoot’em up abandonné par Atari en 1982.
“My shooty things.” Mes petits trucs de tir. C’est ainsi que Jeff Minter désigne son travail dans le dernier numéro du magazine britannique Retro Gamer, d’une manière pas si éloignée, la malice en plus, de John Ford se présentant comme un homme qui “fait des westerns”.
Car Minter, qui ne s’est jamais arrêté depuis ses débuts il y a plus de 40 ans, est un authentique génie du jeu vidéo, en plus d’un original à l’allure de vieux hippie installé dans une ferme du Pays de Galles où il élève moutons et lamas. Mais oui, son truc, c’est d’abord le shoot’em up que, sans jamais oublier les enseignements des grands anciens (Eugene Jarvis, Dave Theurer…), il a su élever à un niveau d’expérimentation sensorielle que seules égalent les œuvres de Tetsuya Mizuguchi (Rez, Tetris Effect).
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Une mission
Entre deux relectures officielles (Tempest 4000) ou non (Space Giraffe, TxK) du classique Tempest, Minter semble s’être donné une nouvelle mission : faire devenir réalité des jeux dont il regrette qu’ils n’aient pas existé. Ce fut le cas avec Polybius, inspiré d’une légende urbaine. Bis repetita aujourd’hui (ou presque) avec Akka Arrh, dont l’origine remonte à 1982.
À l’époque, Atari règne sur l’arcade et, avant de lancer la commercialisation d’une borne, a pour habitude d’observer les réactions du public dans quelques salles-tests sur des prototypes plus ou moins aboutis. Dans le cas d’Akka Arrh, le résultat ne se révèle pas concluant, beaucoup le jugeant trop difficile et complexe. Le projet est donc abandonné. Mais Akka Arrh a refait surface depuis et on peut s’essayer à cette première version sur la merveilleuse anthologie Atari 50. Avant de le retrouver transfiguré.
Deux salles, deux ambiances
Les lumières, les couleurs, les clignotement et les étranges effets sonores : pas de doute, si l’Akka Arrh de 2023 reste fidèle au concept d’origine (une tourelle posée au centre de l’écran repousse les ennemis et les projectiles qui déferlent sur elle), c’est bien un jeu de Jeff Minter. Laissant imaginer un tempo frénétique permanent, ses bandes-annonces sont d’ailleurs trompeuses, car s’il est une chose que l’auteur de Revenge of the Mutant Camels possède comme nul autre, c’est bien l’art des fluctuations rythmiques.
Avec son double espace de jeu – la plupart du temps à la surface, par moments au sous-sol –, Akka Arrh ose même le “deux salles, deux ambiances” sans jamais se départir de ses vertus hypnotiques, notamment par le spectacle de ses ondes de choc en rafales – le principal ajout du jeu de 1982.
On présente souvent les créations de Minter comme des jeux-trips, mais ce n’est qu’une partie de la vérité, car il ne s’agit pas ici seulement de se laisser porter. Dans Akka Arrh, il y a une multitude de signes à interpréter et des tactiques à élaborer pour maximiser son score ou, simplement, durer.
Sous le bombardement psychédélique, le véritable enjeu est toujours d’y voir clair. L’immense plaisir qu’il procure est aussi là : c’est celui de la danse cérébrale, de la trance lucide, du décollage sans perdre la raison. Les “shooty things” de Jeff Minter sont toujours une bénédiction.
Akka Arrh (Llamasoft/Atari), sur Switch, PS4/PS5, Xbox et Windows, environ 20 €.
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