L’originalité de ce jeu tient à son héros : un chat, un vrai, qui miaule et fait ses griffes, et nous guide dans une ambiance à demi-glauque, où l’on poursuit ce qu’il reste d’humain.
Une ville aux éclairages néon où le jour ne semble jamais se lever. Un monde d’après l’effondrement dans lequel des androïdes déglingués vaquent tant bien que mal à leurs activités. Conçu par le petit studio montpelliérain BlueTwelve et publié par Annapurna Interactives, l’éditeur (américain) star du jeu indé, Stray pourrait n’être qu’une œuvre d’inspiration cyberpunk et postapocalyptique de plus si son héros n’avait pas quelque chose de bien particulier : c’est un chat.
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Pas une figure anthropomorphe comme le jeu vidéo nous en a présenté des centaines, non ; un vrai chat, qui avance à quatre pattes, se fait les griffes sur les tapis ou les canapés, balance les piles de livres et vient aimablement se frotter contre celles et ceux qu’il trouve à son goût. Appuyez sur la touche “rond” pour miauler.
Un chat et des Zurks, seules créatures vivantes
“As-tu vu cette curieuse créature rousse qui se promène dans le secteur ? Tu dois absolument voir ça !” Les robots eux-mêmes n’en reviennent pas : à l’exception peut-être des Zurks, ces grosses puces aux yeux rouges qui rôdent à la sortie de leurs taudis, ils n’ont rien croisé d’aussi naturel et vivant depuis bien longtemps. Pour nous, c’est l’inverse : au milieu de toute cette bizarrerie mi-glauque mi-farfelue, par son allure et sa façon de bouger, ce chat paraît étrangement normal – on jurerait l’avoir déjà croisé dans la réalité.
La grande idée de ”Stray” est de passer par l’animal pour mettre en scène l’hypothèse du posthumain
La grande idée de Stray, qui navigue habilement du jeu de plateforme et d’escalade (Assassin’s Creed en version féline, disons) à l’aventure avec énigmes et missions, en passant par l’infiltration et l’horreur pour un chapitre aussi inattendu qu’impressionnant, est là : dans cette manière de passer par l’animal pour mettre en scène et interroger l’hypothèse du posthumain.
Car l’humanité, ici, est ce dont on scrute les traces et dont on se souvient, en particulier quand notre courageux minou s’allie avec un petit drone qui n’est pas forcément ce que l’on croit. On en voit souvent les retombées ou le reflet, d’ailleurs, chez les androïdes qui, selon les cas, rêvent de liberté ou de musique, mènent leur petit business ou attendent simplement dans la crasse que le temps passe. Mais en voilà un qui parle avec beaucoup d’émotion de son papa qui est parti. Serait-il un peu vivant, lui aussi ?
Déplacer d’un poil les points de vue
On pourrait reprocher à Stray de s’appuyer sur des logiques et des systèmes de jeu bien rodés, mais ce qui le rend précieux est précisément son pas de côté. Il n’est pas question ici de faire la révolution mais de déplacer un tout petit peu le point de vue sur l’action autant que sur la catastrophe à l’origine du récit qui, comme pour toute bonne œuvre d’anticipation, n’est pas sans rapport avec l’époque de sa conception (pandémie, changement climatique).
Jeu d’ambiances et d’impressions, d’errance et de déductions, riche en changements de rythme et en ruptures de ton, Stray est tout entier porté par un mouvement vers la lumière qui ne se distingue pas d’une quête de liens – avec ce qui parle, ce qui bouge, ce qui tient encore à peu près debout. Une bonne raison supplémentaire de l’aimer beaucoup.
Stray (BlueTwelve Studio/Annapurna Interactive/Skybound Games), sur PS4, PS5 et Windows, de 27 à 40 €. Disponible en téléchargement et le 20 septembre en édition physique.
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