Soit une exposition à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, intitulée Les Parisiens sous l’Occupation, autour de photos d’André Zucca présentant une capitale à l’insouciance incongrue. L’engagement collaborationniste du photographe est à peine mentionné, stupéfiante désinvolture qui finira par alerter quelques esprits. L’affaire, qui révèle la permanence d’un blocage propre à une certaine […]
Soit une exposition à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, intitulée Les Parisiens sous l’Occupation, autour de photos d’André Zucca présentant une capitale à l’insouciance incongrue. L’engagement collaborationniste du photographe est à peine mentionné, stupéfiante désinvolture qui finira par alerter quelques esprits. L’affaire, qui révèle la permanence d’un blocage propre à une certaine mémoire française – la dénégation de l’exceptionnel bilan tragique de l’Occupation –, est passionnante. Quelques jours plus tard, le scandale culturel laisse place à une affaire de cinéma. Les lecteurs de la presse apprennent ce que certains spectateurs savaient déjà, à savoir qu’André Zucca avait un fils cinéaste de son état : Pierre Zucca.
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L’information eût été anecdotique si ce dernier n’avait justement pas fait de la figure paternelle un motif de son œuvre, et si la figure d’André Zucca, telle qu’elle apparaît dans cette affaire, n’avait pas été exactement la figure fictionnelle qu’a pu en donner son fils : à savoir un père caché, au passé lui-même caché, et aux saumâtres agissements. Autre caractéristique de l’affaire André Zucca qui en fait un parfait scénario du fils et qui en complexifie encore la donne : l’indéniable stature artistique du photographe interdit qu’on classe l’affaire. Ou encore, que faire d’un homme sale personnage mais artiste doué ?
Les films de Zucca seuls donnent la réponse, en reprenant le travail là où le père l’a laissé, mais pour en mettre en scène, ouvertement cette fois, la perversion cachée. La stratégie de vérité du fils Zucca sera romanesque et non morale : exercer ce qui sera ni une destitution du père ni un procès, mais un retournement de joueur des cartes. Il s’agit alors de filmer ce même Paris photographié par André Zucca, mais en faisant surgir ces zones de terreur d’où jaillissent pirates (Rouge-gorge) et animaux cauchemardesques (Vincent mit l’âne dans un pré…).
Imaginons alors ce qu’aurait été l’exposition idéale, une vraie exposition de cinéma : quelques photos parisiennes du père, face à quelques photogrammes parisiens du fils. Au centre, un extrait de film représentant un scandale familial : celui que provoque Luchini contre son père de cinéma dans une scène de vente aux enchères (Vincent…). Et en exergue, quelques lignes du Journal d’Hélène Berr, jeune fille juive amoureuse de Paris et se sachant condamnée. Comme le père, elle décrit un Paris grisant, et comme le fils, elle se défie de cet “enchantement mauvais” et de la présence rôdeuse nazie : “Mais ils ne laissent pas tout le monde jouir de la lumière et de l’eau !”
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