Sorti en 1987, ce film nous apprend deux ou trois choses sur la vie en général et le cinéma en particulier. D’abord, c’est un brûlot social qui remet le riz à sa place concernant la vague humanitaire des années 80, phénomène de mode sans précédent pour les politiques. Ensuite, Ferreri met en branle un microcosme […]
Sorti en 1987, ce film nous apprend deux ou trois choses sur la vie en général et le cinéma en particulier. D’abord, c’est un brûlot social qui remet le riz à sa place concernant la vague humanitaire des années 80, phénomène de mode sans précédent pour les politiques. Ensuite, Ferreri met en branle un microcosme sur roue, et sa caravane humanitaire composée de Franco-Italo-Espagnols devient la caricature du fonctionnement de l’univers même. Enfin, plus qu’une fiction, le film épouse toutes les coutures d’un documentaire sans précédent sur le rapport entre l’Occident, ex-colonisateur, et l’Afrique, ex-communiée par le bon Blanc catholique et civilisé. En deux mots, l’histoire parle d’une caravane humanitaire et de la manière dont elle tourne en rond dans le désert à la recherche d’une quelconque tribu afin d’y verser sa manne de pâtes ou de farine ; et aussi de la façon dont les membres de ce convoi vont vivre l’expérience du désert et du rapport à l’autre c’est-à-dire : bon Noir ou mauvais sauvage. Une des scènes les plus significatives de ce film est le moment où Piccoli, missionnaire défroqué mangeant les pissenlits par la racine et en quête de sa Bretagne natale, demande à monter dans le convoi accompagné d’un enfant mort et de deux femmes. Le chef du convoi donne son accord et fait couler ce miel verbal en aparté : « Fais chier ce mort avec ses mouches ! » Toute la mise en scène est axée autour de la parole. Il y a la langue du convoi qui est un charabia international à côté duquel l’utilisation du latin permet d’être mieux compris, il y a celle des tribus croisées sur la route qui s’expriment dans un français impeccable et au centre, le désert comme symbole de non-langage entre les deux parties. A côté de cela, Ferreri ne peut s’empêcher de titiller son éternel cheval de bataille : comment les hommes et les femmes peuvent-ils s’entendre pour ne faire plus qu’un ? Si le cinéaste allait apporter une réponse par la suite avec la fin de La Chair, où l’homme mange la femme, ici la communion se fera bien entre Placido et Detmers, mais dans l’estomac d’une tribu. Joyau d’absurdité et d’intelligence, ce film ne manquera pas de proposer son petit adage biblique ou « ferrerique » : « Du ventre tu es né, au ventre tu retourneras… mais pas forcément celui de ta mère. »
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