Un beau premier film – âpre et sensible – sur une jeune fille hermaphrodite, cristallisant les mystères adolescents.
Cette année 2007 fut encore traversée par de mystérieux ados, foulant des seuils incertains, créatures délicates ou freaks anxieux. Entre autres images, c’est le pas de deux des yeux de Constance Rousseau dans Tout est pardonné. Ou la gaucherie à fleur de peau de Michael Cera dans SuperGrave, jeune tige ne sachant comment et où pousser. XXY ajoute à cette constellation le corps d’Inés Efron – 22 ans, fraîche comme à 15. Elle est le quasi-concept d’un beau premier film, frémissant et sensible. L’énigme teen y est un cas d’école : Lucía Puenzo y met en scène Alex, jeune fille hermaphrodite que ses parents ont emmenée vivre sur une côte reculée de l’Uruguay. La cinéaste exploite le trouble de ce corps à tous les niveaux : trouble de soi, bien sûr, des adultes face à la perspective coupable ou non de l’opération “correctrice”, et enfin des autres ados, en particulier, celui d’un jeune garçon, d’abord ignorant du secret d’Alex. Honnête, XXY voudrait saisir le cas de manière clinique et intime. La première option, froide, documentaire, n’est pas la plus réussie. Surtout lorsque le père – biologiste, forcément obsédé par les anomalies sexuelles chez les animaux – s’en va interroger un pompiste anciennement hermaphrodite et menant une vie rangée de famille. Non, le film se déploie dans sa dimension organique et métaphorique. L’omniprésence de la mer, dans le cadre, dans la photo marine, achève de conférer à Alex un statut de créature mythologique : lorsque l’actrice se dénude, le regard du spectateur se porte immanquablement sur son bas-ventre, l’origine d’un monde nouveau et inconnu. “Magie” du contexte savamment posé par Puenzo, d’un corps soigneusement choisi, effet spécial à peine ébauché mais puissant. On avoue avoir été mis mal à l’aise et fasciné, comme si Cronenberg était venu s’inviter entre nous. Sous l’auréole proprette d’un prix Amnesty International au dernier et sympathique Festival de Ljubljana, le film ménage aussi des moments de grande violence, physique comme verbale. Ainsi, l’agression (avortée) d’Alex par des voyous sur la plage est presque insoutenable, comme une sombre fulgurance pasolinienne. Ailleurs, un père déroule les désillusions suscitées par son fils, dont sa possible homosexualité. Cette violence nourrit la sensibilité de XXY, à l’image d’une scène que l’on qualifiera de “défloration impromptue”. En un éclair, le film dévoile son cœur, ainsi que celui de l’âge décrit : inattendu, sensuel, plein de promesses. Comme un étrange fruit.
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