Le cinéaste poursuit son exploration radicale d’une Amérique inquiétante et pourtant plausible.
Au moment même où sort Wrong Cops, cinquième long métrage d’une filmographie passionnante entamée en 2001 avec Non-film, Quentin Dupieux, aka Mr. Oizo annonce qu’il entre déjà en salle de montage pour un nouveau projet, Reality.
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Cette vitesse de tournage, presque sans aucun équivalent dans le cinéma français, souligne une obsession de plus en plus évidente chez l’auteur : celle de la fabrication impatiente d’une œuvre, d’une délimitation de son propre territoire fictionnel, traversé par les mêmes motifs et figures (Eric Judor).
En quelques années seulement s’est ainsi dessinée une méthode Dupieux, résumée par certains signes distinctifs (image numérique, économie do it yourself et humour absurde), dont on craint à chaque fois l’essoufflement, cet instant où la singularité se mue en formule. Un soupçon balayé avec panache par ce nouvel opus qui, tout en restant inscrit dans l’imaginaire Dupieux, en constitue une étonnante remise en question.
Dans les décors ordinaires d’une banlieue américaine, le film chronique le quotidien d’un flic pourri (Mark Burnham), autour duquel gravite un chapelet de personnages déglingués, musicien borgne, pervers sexuel ou blonde sadique, tous incarnés par la frange la plus marginale de l’humour US (Eric Wareheim, du duo Tim and Eric, ou Steve Little, de la série Eastbound and Down).
Sur cet air a priori banal de parodie de polar, Quentin Dupieux, comme à son habitude, brouille les pistes et déploie une accumulation de saynètes absurdes à l’intérieur desquelles il provoque toujours un dérèglement, un accident tantôt comique, tantôt terrifiant : une biche qui surgit dans le cadre, un homme qui se tranche la gorge sans sommation.
Les sketches se suivent ainsi, creusant un humour agressif, inconfortable, mais qui peu à peu dénote une nouvelle variation dans le regard et l’écriture du cinéaste. Ici, il ne vise plus le tour de force surréaliste, la blague potache ou le manifeste nonsense. Au contraire, il n’a jamais semblé plus sérieux, filmant les obscénités de sa bande de flics corrompus avec les yeux d’un documentariste halluciné, qui explore une Amérique malade, encore plus inquiétante qu’elle est plausible.
Derrière l’apparente gratuité du film, son côté cirque freak, Quentin Dupieux raconte en fait son angoisse d’une normalité effrayante, qu’incarne à lui seul le contre-emploi drôle et assez émouvant de Marilyn Manson. Dans
le rôle d’un vieil ado apeuré, la rock-star délaisse tout son folklore sulfureux et prouve bien qu’au royaume des fous les plus dangereux ne sont pas forcément ceux que l’on croit.
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