Un homme perd son chien. Le nouveau film-concept du maboul Quentin Dupieux : au bord du néant, mais toujours stimulant.
Deux ans se sont écoulés depuis le coup d’éclat Rubber, dont les secousses se firent sentir bien au-delà du Festival de Cannes, où il fut découvert. Le récit de cette aventure do it yourself (un pneu, un budget zéro, quelques potes et un appareil photo) ouvrait avec fougue une brèche inconnue dans le cinéma français, où allaient s’engouffrer d’autres jeunes auteurs en manque d’urgence.
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Deux années pendant lesquelles l’homme-orchestre Quentin Dupieux, alias Mr. Oizo, a poursuivi ses expériences transdisciplinaires : il a cumulé les projets de films (dont le très fort Wrong Cops, starring Marilyn Manson) et les ep flamboyants (Stade 3), jusqu’à ce nouveau long métrage, son troisième, une sorte de bonus track au titre joueur : Wrong.
Si les conditions de tournage sont toujours les mêmes, c’est surtout la permanence du style Dupieux qui frappe, avec cette certitude désormais acquise que s’invente là, depuis Steak avec Éric et Ramzy (2006), une œuvre passionnante dont la formule secrète pourrait se résumer à une question : quel est le niveau de croyance du spectateur ?
Et, par extension, quel est encore le champ de possibles du cinéma ? Infini, répond malicieusement Wrong, qui débute sur un concept minimal (un Américain moyen perd son chien), avant de le détourner par à-coups, ajoutant ici l’histoire d’une mystérieuse secte procanine (dirigée par le délirant William Fichtner), là une romance parallèle avec une nympho hystérique, ou encore un personnage de détective redneck…
Peu importe au fond que l’ensemble fasse sens, le film multiplie les pistes narratives, les genres et les humeurs, tantôt drôles, tantôt dépressives, qu’il abandonne brusquement (“wrong way”), au rythme saccadé d’une écriture automatique très stimulante.
Quelque chose relie pourtant cette compilation de dispositifs : disons un principe d’arbitraire, comme un régime de folie appliqué au monde auquel nous sommes priés d’adhérer – une horloge indique 7 h 60, des personnages morts réapparaissent (Éric Judor, hébété, génial), des bureaucrates travaillent sous les trombes d’eau (une critique du néocapitalisme ? Même pas).
Souvent Quentin Dupieux frôle le néant, le simple gag, tandis que le film effectue une opération étrange, souterraine : il nous manipule et nous surprend, nous bouleverse au premier degré avec les retrouvailles entre un homme et son chien, dans la plus simple expression d’un cinéma extrait de ce grand bordel.
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