Un mix inégalement digeste de quelques grands classiques du conte pour enfants.
Disney fait ses fonds de tiroir et, surprise, les miettes n’y sont pas aussi rassises qu’on aurait pu le croire. Into the Woods, à l’origine, est une comédie musicale jouée sur Broadway dans les années 80. Resté plus de deux décennies au frigo et maintes fois remanié, son projet d’adaptation a finalement échu à Rob Marshall, vétéran oscarisé de la superproduction emperlousée (Chicago, Nine, Pirates des Caraïbes 4).
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Dans une longue introduction chantée, étonnement vive, celui-ci y entrelace cinq récits inspirés de contes, pour la plupart écrits par les frères Grimm – Cendrillon, Le Petit Chaperon rouge, Raiponce –, mais aussi Jack et le haricot magique et l’histoire d’un couple de boulangers stérile devant, pour briser sa malédiction, exaucer sous 72 heures les vœux d’une sorcière (jouée goulûment par Meryl Streep, plus intéressante ici que dans ses quatre ou cinq derniers rôles). C’est ce dernier récit, écrit pour l’occasion, qui sert de liant aux quatre autres, et réunit dans la forêt (“into the woods”, donc) tous les protagonistes du métaconte pour une chasse au trésor enjouée.
Pendant un peu plus d’une heure, Marshall mène son petit monde à la baguette, faisant oublier le dispositif théâtral par d’habiles tours de passe-passe narratifs, ne racontant ses histoires archicélèbres que par pointillés, virevoltant d’un décor à l’autre comme un enfant plongé dans un coffre à jouets rempli à ras bord. Lui qui d’habitude a la main si lourde sur la table de montage fait montre ici d’une singulière élégance, et n’a plus qu’à se reposer sur le charme de ses acteurs, tous remarquables, à commencer par Anna Kendrick (en Cendrillon futée) et Emily Blunt (en boulangère téméraire). Tout ceci est parfaitement gratuit, résolument enchanteur – on pense d’ailleurs à Enchanted, autre film Disney adapté d’un musical, qui parodiait en 2007 l’imagerie maison du conte de fée.
Tout se gâte hélas dans la seconde partie, autant pour les personnages que pour le film. Le coutumier “ils se marièrent et vécurent heureux…” est en effet interrompu par un cataclysme qui replonge princes, princesses, sorcières et gentils gueux dans la forêt devenue désolation. En 1986, lorsque la pièce fut jouée pour la première fois, cette rupture de ton pouvait apparaître comme une allégorie de l’irruption du sida.
En 2015, chacun y verra ce qu’il veut, ce qui ne serait nullement un problème si Rob Marshall offrait la possibilité d’un point de vue. Mais n’en ayant lui-même aucun, pas plus que d’idée de mise en scène pour figurer la noirceur du monde, il laisse son film se déliter progressivement, la théâtralité outrée prenant le pas sur la vivacité. Chaque dialogue pèse des tonnes, chaque chanson paraît interminable… Rob Marshall finit ainsi par se perdre dans la forêt, nous laissant, spectateurs, à la merci du Grand Méchant Ennui.
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