Drame très harmonieux et alangui à l’ambiance subtilement angoissante. Un nouveau cinéaste thaïlandais à suivre.
Avec son premier long métrage, le jeune Aditya Assarat entre d’emblée dans la cour
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des grands (du cinéma thaïlandais) et peut d’ores et déjà être mis sur le même plan que ses compatriotes Apichatpong Wheerasethakul et Pen-ek Ratanaruang, avec qui il partage de nombreux partis pris esthétiques. Notamment un filmage fluide et en apesanteur, des plans longs et une prédilection pour le travelling latéral. Cela allant de pair avec une façon très sensuelle, voire organique de filmer le paysage, d’y plonger les personnages. Assarat est peut-être le plus sobre et limpide des trois cinéastes, le plus américanisé aussi, toutes proportions gardées, car il emploie une dramaturgie linéaire à l’occidentale. Mais ici elle est diluée à l’extrême, très alanguie – cela fait la force et la singularité du film –, tellement que la dimension tragique est différée pratiquement jusqu’aux dernières minutes. Tout le film est à l’aune de cette langueur tropicale presque maladive.
Sur le papier, cela ressemble à un western : un étranger débarque dans une “wonderful town” (titre au premier et au second degré), quasiment une ville fantôme, qui a été dévastée par le grand tsunami il y a quatre ans et se relève lentement de ses ruines dans un silence relatif. L’étranger est justement un architecte venu de Bangkok pour superviser la construction d’un immeuble. Il loge dans un hôtel désert tenu par une jeune femme, au charme discret auquel il va succomber. Mais même la scène classique du premier baiser arrive tard dans le récit. Ce n’est pas un film prude, mais il évolue au diapason de la vie de ce coin perdu de Thaïlande ; au gré du vent et de la nature environnante : les palmiers, l’herbe, la mer… La beauté du film réside dans son décor d’emblée un peu inquiétant en raison de l’éclat trop métallique du ciel, de la rareté des habitants, dont certains s’avèreront hostiles. Sensations étayées par l’excellent et audacieux travail sur le son d’Akritchalerm Kalayanamitr, formidable sound designer qui est le trait d’union objectif entre Assarat et les réalisateurs précités, puisqu’en travaillant
sur plusieurs films de ces cinéastes ce technicien génial a conféré au nouveau cinéma thaïlandais cette tonalité si particulière, à la fois planante et réaliste. D’où ici une angoisse distanciée mais constante qui ne laisse néanmoins pas présager du choc final. Wonderful Town allie idéalement beauté, sensualité, contemplation et morbidité, au sens italien (morbidezza = douceur) comme français.
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