Le photographe JR ne se contente plus de photographier des femmes battues. Il leur donne aussi la parole.
Avec son titre qui ressemble au télescopage monstrueux de deux tubes signés David Bowie et Cookie Dingler, Women Are Heroes rappelle la leçon élémentaire de la plupart des films de superhéros : l’héroïsme commence à la maison.
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Les superhéroïnes en question sont donc des femmes extraordinairement ordinaires, contraintes à l’action par l’hostilité et l’injustice de leur environnement. Ces femmes battues, le street artist et photographe français JR les expose, inlassablement, sur les murs des villes.
Grimaces, sourires, rires, langues tirées, moues provocatrices : c’est ainsi, par le rire malgré tout, que ces femmes s’évadent devant son objectif de leur condition, de leur conditionnement. Moment de répit, pause respiratoire dans ce qui, autour, n’est souvent que carnage, humiliation, négation même.
Les hommes ne naissent pas égaux. Les femmes encore moins. Alors qu’elles sont réduites à rien dans leur vie, JR les démultiplie jusqu’au gigantisme dans ses tirages dignes du land art, affichées à flanc de collines, sur les bâtiments, sur les routes, sur les camions, sur les trains.
Ces femmes résistent, humblement, concrètement : JR leur offre une caisse de résonance insensée, transformant les slums, les favelas, les bidonvilles en galeries éphémères.
Les témoignages, d’une force, d’une drôlerie et d’une dignité que l’on connaît chez JR depuis son travail en Palestine et Israël, viennent du Brésil, d’Inde, du Kenya ou du Cambodge. Ces femmes racontent toutes la même histoire, avec pudeur mais déjà au-delà de la crainte de l’homme : “On n’obtiendra pas nos droits en mendiant mais en luttant.”
Ces femmes, qui sont aussi souvent des mères dans des pays où coûte peu cher la vie d’un enfant, ne sont plus seulement des photos, des regards puissants, perçants. Elles s’animent, rient et pleurent, jamais ne se plaignent : les états d’âme font partie de ces luxes qu’elles ne peuvent s’offrir.
Il y a une histoire, tragique, avant la photo, mais une belle à écrire ensuite, vers l’émancipation, vers le savoir, vers le pouvoir. Ces femmes sont sur les murs, elles font des dizaines de mètres de haut.
Et pourtant, encore et toujours, les hommes refusent de raser les murs : il suffit de voir leurs regards interloqués, voire outrés, devant ces images dominantes pour mesurer l’ampleur de la tâche de ces superhéroïnes.
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