Une femme supposément ordinaire devient une militante écologiste radicale. Sous des dehors consensuels, un film comme un appel à la lutte.
Armée d’un arc, d’une flèche et d’un câble, une femme à la cinquantaine tonique vandalise une ligne à haute tension avant de s’enfuir à travers l’immensité des paysages islandais. Les premières images de Woman at War plantent le film dans le décor du terrorisme écologique plus que dans celui du féminisme guerrier. Car le projet de cette Katniss Everdeen islandaise est d’entraver l’activité d’une usine d’aluminium qui dénature selon elle son pays. De retour à Reykjavik, elle revêt son habit de ville, celui d’une tranquille professeure de chant qui attend que sa demande d’adoption soit enfin acceptée. A mesure que ses actes de vandalisme se multiplient, le pouvoir s’inquiète, “La Femme des montagnes”, comme elle se fait appeler, devient l’ennemie public n° 1.
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Présenté cette année à La Semaine de la critique, Woman at War multiplie les effets de séduction ; de son titre pleinement ancré dans l’état contemporain du cinéma à son ADN islandais – mélange d’humour tendre, de consanguinité et de numéros musicaux – en passant par sa fable politique teintée de superhéroïsme. Si le film fait penser au Night Moves de Kelly Reichardt (2014) qui aurait croisé les malicieuses comédies de la regrettée Sólveig Anspach, la survisibilité de son étendard bobo frôle la parodie. Mais derrière la jumelle prof de yoga, le paysan écolo, le groupe de free-jazz, le tourisme à vélo et les posters de Gandhi et Mandela se cache un aspect plus rêche.
Le film dépeint un monde où la surveillance globale est toute-puissante. Sa réponse face à ce monde est un appel au vandalisme. Dans la traque dont elle fait l’objet, l’héroïne se retrouve face à un drone policier. Elle l’abat d’une flèche puis l’achève à coups de pierre. S’ensuit une cavale qui prend la forme d’une fusion avec l’organique. Cette amazone fait tour à tour corps avec une carcasse de mouton, un torrent, un glacier avant de se fondre avec la terre elle-même. La récurrence du motif de son visage se plongeant dans l’humus – sublime mouvement intervenant à des instants clés – est la plus belle idée du film. Loin d’être spectaculaire, cet appel à peine dissimulé à la violence prend une forme quasi didactique, comme un manuel à destination des militants écologistes.
Si l’idée que le combat de son héroïne – faite d’un rare mélange de force, d’autonomie et de maturité – doit prendre fin pour qu’émerge son aptitude maternelle peut sembler maladroite, le dernier plan du film annonce que la lutte environnementale ne peut en rester là. Sous ses airs de film apte à faire le consensus tant public que critique – en témoigne le petit buzz dont il a bénéficié à Cannes –, Woman at War est plus en colère qu’il n’y paraît.
Woman at War de Benedikt Erlingsson (Isl., 2018, 1 h 41)
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