Avec cette dramédie qui se déroule dans les seventies, le cinéaste américain n’évite pas les clichés mais fait une belle proposition.
En 1970, alors que Noël approche, quelques élèves d’un lycée pour garçons du Massachusetts sont contraints de passer leurs vacances au pensionnat, ne pouvant rentrer auprès de leur famille pour X raisons. Un professeur d’histoire antique, atrabilaire et grandiloquent (Paul Giamatti, fidèle à lui-même), n’ayant lui non plus nulle part où passer les fêtes, est chargé de les surveiller, assisté seulement d’une cuisinière (la révélation Da’Vine Joy Randolph), qui vient de perdre son fils unique à la guerre du Vietnam, et d’un homme de ménage.
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Ils et elle sont les “holdovers” (“celles et ceux qui restent”), titre original de cette dramédie reposant sur une formule éprouvée et une montagne de clichés, comme à vrai dire tous les longs métrages d’Alexander Payne. Pourtant, Winter Break est selon nous son meilleur film depuis longtemps – depuis L’Arriviste, son deuxième long mais le premier distribué en France en 1999, avant qu’il ne connaisse le succès avec les fades Monsieur Schmidt en 2002 et Sideways en 2004.
Buddy movie
Ce dernier a d’ailleurs beaucoup de points communs avec Winter Break, à commencer par son réemploi de Paul Giamatti, qui figure ici une version east coast et vintage du personnage d’écrivain raté et dépressif qui partait faire la route des vins avec son vieux copain pour y trouver, peut-être, une forme de rédemption. L’alcool de choix est cette fois-ci le whisky, les paysages hivernaux de la Nouvelle-Angleterre ont remplacé les vallons ensoleillés de la Californie, et le film se passe davantage en intérieur que sur les routes (à l’exception d’une escapade de troisième acte à Boston, où le drame sous-jacent va se dénouer).
Mais il s’agit à nouveau, au fond, d’un buddy movie où deux caractères opposés (le prof psychorigide et son élève épris de liberté) vont finir par s’entendre. Et tandis que les seventies était l’horizon esthétique et politique de Sideways, elles sont la toile de fond de Winter Break, premier film d’époque d’Alexander Payne, qui est allé jusqu’à ajouter un grain artificiel à son image pour renforcer la nostalgie…
Un casting de choix
Tout ceci devrait être rédhibitoire, mais par une espèce d’alchimie miraculeuse – étant donné le pedigree du réalisateur de Nebraska et Downsizing –, de l’or finit par couler de situations qu’on croyait initialement condamnées à s’abîmer dans le plomb. Loin de son habituelle commisération, Payne a su trouver ici la juste distance pour regarder sa bande de laissés-pour-compte (qu’ils aient été abandonnés par leur famille, n’en aient jamais eue ou l’aient perdue), offrant à Giamatti la possibilité de jouer ses gammes misanthropes plus subtilement qu’à l’accoutumée, révélant le débutant Dominic Sessa (l’élève dissipé), et donnant surtout à Da’Vine Joy Randolph un rôle que l’on pense au début subalterne, mais qui se révèle de plus en plus central – et émouvant – à mesure que se déploie l’intrigue.
C’est aussi par elle que passe la charge politique du film, qui élève les problématiques de classe sociale au même niveau que celles de race – une gageure dans le cinéma américain contemporain. Si Winter Break ne suffit pas à nous convaincre qu’Alexander Payne est un auteur majeur (statut dont il jouit aux États-Unis), il laisse espérer une belle deuxième partie de carrière.
Winter Break, d’Alexander Payne. En salles le 13 décembre 2023.
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