Directeur de la photo et chef opérateur influencé par la peinture, il a accompagné les plus grands noms du cinéma d’auteur. Il s’est éteint mardi à l’âge de 72 ans.
Avec la disparition de William Lubtchansky, c’est tout un pan du cinéma qui s’en est allé. Un pan de cinéma qui n’est pas le plus cher mais qui nous est cher, qui ne tutoie pas les cimes du box-office mais qui creuse profondément sa trace dans les cœurs et les cerveaux, les regards et les corps de ceux qui l’ont aimé.
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Qu’on en juge par la liste non exhaustive des cinéastes éclairés par Willy : Jean-Luc Godard, Claude Lanzmann, Agnès Varda, François Truffaut, les deux Jacques, Rivette et Doillon, Barbet Schroeder, Juliette Bertho, Jean-Pierre Mocky, les Straub, Otar Iosseliani, Philippe Garrel… soit le who’s who, la crème de la crème de ce qu’on a appelé le cinéma moderne. Ajustons la focale un peu plus nettement sur cet admirable parcours.
Premier fait d’arme notable du grand et modeste Lubtchansky, le compagnonnage avec Lanzmann, tout au long de Pourquoi Israël puis de l’unique et immense Shoah. En même temps, ou après, il travaille avec celui qui deviendra le grand adversaire de Lanzmann, Godard, accompagnant ce dernier dans toute sa phase video-punk des années 70 (Numéro deux, Ici et ailleurs…), puis dans son « retour » au cinéma « classique » à partir des années 80 (Sauve qui peut la vie, Nouvelle vague).
Dans les alliances longue durée de Willy, il faut bien sûr ajouter Rivette (Le Pont du Nord, La Belle noiseuse, Jeanne la pucelle, Va savoir…). Lubtchansky a aussi éclairé les films tardifs des Straub (Du Jour au lendemain, Sicilia, Une Visite au Louvre…), de Garrel (Les Amants réguliers, La Frontière de l’aube) et de Iosseliani (La Chasse aux papillons, Adieu plancher des vaches…), rappelant que Lub fut aussi l’allié des producteurs Martine Marignac et Maurice Tinchant et de leur intransigeante ligne esthétique.
Ses lumières et ses cadres ont aussi rehaussé Daguerréotypes de Varda, le sublime La Femme d’à côté de Truffaut, quelques beaux Doillon (La Puritaine, Le Petit criminel…), ou encore la filmo corsaire de l’inoubliable Juliette Bertho (Neige, Cap canaille).
Il suffit d’avoir cité ces quelques films et réalisateurs pour comprendre que William Lubtchansky était un directeur de la photo influencé par la peinture mais jamais figé dans le picturalisme, un chef opérateur majeur mais toujours au service de ses partenaires cinéastes, un homme d’honneur et de fidélité qui a toujours travaillé avec des hommes et des femmes de haute valeur humaine et artistique. Une lumière fragile mais tenace s’est éteinte, mais nous ne doutons pas qu’elle continuera longtemps de briller à travers ses films.
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