Un buddy movie affûté qui entreprend de redéfinir les traits d’une nouvelle masculinité.
Saisi d’un vertige existentiel alors qu’il se met en route vers un séminaire de team-building, Martin (Rasmus Bjerg) décide de tout quitter et de s’installer dans l’immensité de la forêt norvégienne afin de retrouver un mode de vie plus simple. Mais une rencontre fortuite avec un trafiquant de drogue blessé, Musa (Zaki Youssef), déclenche bientôt une cavale mouvementée entre la police, un duo de gangsters et les deux hommes.
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S’il y a une qualité indéniable à relever du second long métrage du danois Thomas Daneskov, c’est sa science de l’équilibre. Une réussite qui tient à sa superposition des genres, entre le film de cavale et la comédie pince sans rire (une ironie qui, à l’image du cinéma des Coen, n’est jamais complaisante et adresse une véritable empathie à ses personnages). Le film ne surligne d’ailleurs jamais son irrévérence ni son esprit décalé, préférant susciter un rire à froid et souvent en décalé, naissant en écho quelques secondes après le surgissement d’une situation ou d’une réplique (comme lorsque la mention des congés d’un chien renifleur vient perturber le sérieux d’un commissariat).
“Nous portons tous un masque”
De la même manière, si le film regarde notre société contemporaine en perte de vitesse, la fin des utopies en même temps que la quête de sens, il évite habilement la surcharge du questionnement existentiel ou la candeur d’un manifeste de retour à la nature. Daneskov jette même un regard ironique sur le besoin d’isolement de l’humanité, en montrant à quel point la mythologie survivaliste a elle-même été ingurgitée par la logique capitaliste pour en produire un business juteux : une ZAD viking vue de l’extérieur, bientôt démasquée par les deux protagonistes comme un rassemblement de cosplayeurs dont tous les échanges sont régis par l’argent et assurés dans une hiérarchie à l’implacable verticalité.
“Nous portons tous un masque” : de cette observation qui filtre avec la lapalissade prononcée vers la fin du film, Wild Men en tire sa leçon. La masculinité ne se réduit pas à un unique modèle et il y a autant d’hommes que de manière de vivre sa masculinité. Ainsi, chaque personnage représente une variation autour de sa définition, dont on retiendra sa plus belle incarnation : un commissaire veuf, à la fois fantasque et cerné d’une mélancolie qui évoque le fantôme de Kanji Watanabe dans Vivre de Kurosawa. Une reconfiguration de la masculinité, qui questionne le mal-être et la difficulté de communiquer de certains hommes en balayant certains stéréotypes de genre tout en en poursuivant d’autres, décidément particulièrement tenaces. Moins heureux, les personnages féminins sont réduits à des apparitions satellites inopérantes sur l’action et dont la fonction se limite à personnifier une seule et unique émotion : l’inquiétude. Les vestiges d’une masculinité pas encore totalement révolutionnée ?
Wild Men de Thomas Daneskov, en salle le 24 août.
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