Beau film irlandais, sur les tourments d’un ado.
Les spectateurs les plus vigilents n’ont peut-être pas laissé passer les deux premiers long-métrages de Lenny Abrahamson. Nous, oui : ni Adam et Paul (2004), ni Garage (2007) n’avaient capté notre attention. Et même ce troisième film, nous avions failli le rater, vu trop tard pour en rendre compte le jour de sa sortie. Absolument pas attendu, What Richard did est donc une surprise d’autant plus belle.
Le film charme d’abord par son indolence. On y entre dans une voiture, où trois garçons membres de la même équipe de rugby chahutent gentiment. Impossible encore de savoir qui sera le Richard annoncé par le titre. C’est dans la seconde scène, qu’une figure se dégage de cette bande très soudée de garçons. Mais il faudra encore attendre la moitié du film pour en comprendre le sujet et voir se dessiner « ce qu’a fait Richard ».
Jusqu’à sa bascule centrale, What Richard Did est plutôt une chronique du bien-être. Richard est très beau, sa famille est aisée, ses parents sont cultivés et aimants et il a aussi plein d’amis. Quand il n’y a pas de problèmes, il ne reste qu’à en créer. Richard s’éprend peu à peu de la girlfriend d’un de ses meilleurs amis. Un soupçon d’entropie s’immisce alors dans ce paradis de la moyenne bourgeoisie. Le jeu avec le feu de la jalousie quitte alors accidentellement l’autoroute du marivaudage pour aller dans le décor de la tragédie.
Avec What Richard Did, Lenny Abrahamson se promène sur les terres de Gus Van Sant et le jeune Jack Reynor est un petit frère irlandais de Matt Damon (tête poupine greffée sur un corps d’athlètes, jeu rentré, air lunaire). Il y a dans le regard que porte le film sur sa petite communauté, une bienveillance, une douceur, une façon de rendre tout le monde aimable, qui communiquent directement avec la manière du cinéaste de Portland. Le sujet du film, une fois qu’il avance à découvert, rappelle beaucoup Paranoïd Park. Il y a ces plages battues par le vent, où poussent des herbes hautes. Il y a, placé au centre du film, cet accident qui pourrait tout emporter. Il y a surtout cette morale très forte, cette façon de tresser un horizon de la culpabilité et d’affirmer avec beaucoup de calme que les crimes et les chatiments ne sont pas forcément indéfectibles.