Un sujet très fort autour d’un clandestin bloqué dans une ville du Nord, mais sacrifié sur l’autel du psychodrame conjugal français avec vedettes.
Le nouveau film de Philippe Lioret commence bien : pendant les vingt ou trente premières minutes, on est même surpris – nous n’avions guère apprécié ses films antérieurs (L’Equipier ; Ça gaze, no soucy – pardon, Je vais bien, ne t’en fais pas). Au cœur de l’action, nous suivons Bilal (Firat Ayverdi, bon acteur jusqu’ici inconnu), un jeune réfugié kurde qui tente de passer le Channel en se dissimulant dans un camion. Tout, là, est suspense, documenté, mouvement sur l’écran, politique (Sangatte), on est avec lui. Et puis Lioret ne cache pas ses opinions politiques, le montre et l’affirme franchement : il se situe du côté de l’humain, et forcément nous sommes d’accord avec lui. Mais soudain, après cette demi-heure haletante, émouvante et efficace, plutôt bien écrite et filmée, le bon vieux cinéma d’acteur et d’écrivain populaire à la française déboule avec ses sabots de plomb… Voici Vincent Lindon, en maître nageur de piscine prénommé Simon. Il débarque en mâle french bougon tendance Ventura/Gabin dernière période, tirage de gueule mais l’œil humide du bon vieux saint-bernard. Et il décide, sur un coup de cœur, d’aider Bilal. Et il le fait, au risque d’avoir des problèmes avec la justice (le film est là aussi très direct, et irréprochable). Le problème, c’est que, petit à petit, le centre du film se déplace, s’éloignant de Bilal pour se concentrer sur les problèmes de cœur de Simon, que sa femme a quitté alors qu’il l’aime toujours. Le plus gênant et déplaisant dans tout cela, c’est l’impression que le film a pris cette tournure à cause de Lindon, acteur bankable et donc exigeant du cinéma français. Qu’il en soit responsable ou non, peu importe, mais il est de tous les plans, il occupe le terrain, et tous ses dialogues, entre les lignes, ne semblent avoir qu’un but : bien nous faire comprendre qu’il est un homme, un vrai.
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Pourrait-on soupçonner que son personnage puisse avoir une petit faiblesse pour le jeune homme, hop, les dialogues renversent la barre pour éviter toute ambiguïté. Quant à la fin du film, elle est si dérisoire et sentimentale que je préfère vous l’épargner. Le jeune Kurde, on l’aura compris, a quitté le devant de la scène depuis longtemps, dès que le récit n’avait plus besoin de lui pour faire valoir le héros national. C’est vraiment dommage.
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