Documentaire à base de témoignages sur les ravages causés par la production agroalimentaire.
Après le radical Notre pain quotidien qui suivait la cadence soutenue de la production massive et épousait la forme sèche et sérielle de son esthétique néofasciste, arrive sur nos écrans un autre documentaire autrichien sur la production agroalimentaire. De quoi craindre quelques redites, et effectivement quelques images se répètent d’un film à l’autre, comme ces plans de poussins aspirés, recrachés, parqués, passés au crible des machines et des mains trieuses. Mais on voit plutôt là une forme de continuité opérée entre les deux films, plus complémentaires que similaires. En effet, le projet d’Erwin Wagenhofer diverge de celui de Nikolaus Geyrhalter en choisissant de questionner cette production massive, non pas intrinsèquement, à travers l’inhumanité de sa stricte forme, mais sur une échelle comparative plus large, relativement aux besoins ignorés et croissants de beaucoup de pays. L’exercice paraît plus difficile car moins cinématographique : comment prendre la mesure mondiale des disproportions aberrantes creusées par ce monstre invisible qu’est l’économie de marché ? A la froideur mécanique de Notre pain quotidien vient se greffer ou se substituer la parole de ceux qui justement mesurent ces écarts au quotidien. Les choix d’exemples venus des quatre coins du monde peuvent paraître arbitraires, c’est vrai, mais leur force, au-delà des vices et du cynisme de la mondialisation qu’ils pointent, est de prendre appui sur des informations, des chiffres, des comparaisons énoncées par divers témoins, acteurs, victimes ou observateurs avisés de cette mondialisation. Là réside l’impact du film, dans son talent à laisser parler les faits sans en rajouter. Les images suivent naturellement, illustrant et soutenant de manière plus ou moins percutante les propos recueillis par le réalisateur. Les plans les plus forts restent ceux montrant le gâchis généré au quotidien par les productions lourdes, telle cette impressionnante quantité de pain foutue en l’air tous les jours à Vienne alors qu’elle pourrait nourrir à elle seule toute une ville… Wagenhofer s’appuie finalement assez peu sur des images de famines pour souligner les trous monumentaux creusés par les productions massives monopolisant le marché. Et quand il le fait, ce n’est aucunement pour instrumentaliser de manière douteuse la misère qui s’en dégage mais, encore une fois, pour donner la parole, dignement, aux concernés. Quant à la “grossière gloutonnerie actuelle”, comme l’identifiait déjà Jack London, on la trouvera parfaitement incarnée en la personne du PDG de Nestlé : encore une fois, pas besoin de commentaires, il suffit d’écouter pour être fixé
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