Grand cinéphile, Thoret explore les USA, territoire qui a accouché du cinéma qu’il vénère et qui est passé des sixties libertaires à Donald Trump.
Tous ceux qui connaissent les écrits de l’essayiste de cinéma Jean-Baptiste Thoret ne seront pas surpris par ce film où le critique revisite en images toutes ses obsessions : l’âge d’or de la contre-culture, le cinéma américain des seventies, l’assassinat de JFK comme point de bascule, avec cette fois pour fil rouge la question du comment l’Amérique est passée de Bob Dylan à Donald Trump.
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Pour documenter cette chute des sixties, ce retournement d’une utopie en son exact contraire, Thoret traverse le pays en sondant ses habitants, quidams anonymes ou cinéastes vénérés par l’auteur. Disons-le, l’aspect politico-historique n’est pas le plus convaincant ici : Thoret dresse le constat certes juste du désenchantement des trente ou quarante dernières années, mais il n’est pas le premier à le faire et n’en creuse pas les mécanismes profonds, alors que le parallélisme qu’il ébauche entre la situation générale et l’évolution du cinéma en reste un peu trop au stade – justement – de l’ébauche.
On a plutôt le sentiment que Thoret a voulu se faire plaisir, entrer dans le cinéma qu’il aime et c’est là que We Blew It devient passionnant. Plutôt que journaliste, sociologue ou politologue, Thoret apparaît ici comme le cinéphile qu’il est et qui a voulu faire corps avec son objet. D’où l’écran large, le grain de l’image, l’excellence du chef-op, la cinégénie éternelle du paysage américain et la BO ébouriffante. Rien de neuf mais comment résister au plaisir d’une route américaine, suburbaine ou désertique, défilant aux sons de Creedence, Jefferson Airplane ou Bruce Springsteen ?
Ainsi, après nombre de propos intéressants mais peu révolutionnaires, un plan-séquence splendide (le dernier, que l’on ne décrira pas) dit tout de la passion de Thoret, de ses obsessions et de sa mélancolie, celle du cinéphile qui sait que ce qui a été ne sera plus, si ce n’est sur les écrans où le monde s’accorde à nos désirs. We Blew It est son Point limite zéro roulant à 40 à l’heure.
We Blew It de Jean-Baptiste Thoret (Fr., 2017, 2 h 17)
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