En mettant à nouveau en scène un double fictionnel, le Coréen signe une œuvre habitée, dans tous les sens du terme.
Depuis quelques films, on attend la sortie du Hong Sang-soo semestriel avec le plaisir de retrouver l’œuvre d’un des plus grands cinéastes en activité, mais aussi avec une pointe de lassitude, tant le réalisateur coréen enchaîne les tournages comme il peindrait des esquisses, avec un mélange de virtuosité et de flegme. Si d’aucun·es trouvent que ses sorties récentes se ressemblent trop, un œil averti peut en repérer les diverses mutations. Cela tombe bien : avec son titre, Walk Up est la promesse d’un mouvement ascensionnel.
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Ce nouveau long s’inscrit dans un moment tourmenté de la vie, et donc de l’œuvre, de HSS. Atteint de graves problèmes de santé qui l’obligent à diminuer sa consommation d’alcool et de tabac, deux accessoires quasi vitaux de son microcosme, le Coréen a transmis son affection au personnage principal de ses deux derniers films. Dans De nos jours (2023), il s’agissait d’un cinéaste contraint à un sevrage de ces deux substances. Ici, il met en scène Byung-soo (merveilleusement interprété par l’un de ses acteurs fétiches, Kwon Hae-hyo), un nouveau personnage de réalisateur atteint d’un mal mystérieux. Il continue pourtant d’enquiller verres de soju et cigarettes, malgré les remontrances de sa fille.
C’est avec elle qu’il rend visite à une vieille amie peintre, qui possède un immeuble de trois étages à Séoul, afin qu’elle la prenne sous son aile. Au bout d’une vingtaine de minutes, un petit air de guitare (composé par HSS, qui fait désormais presque tout, de l’image au montage en passant par le scénario) fait office de voyage dans le temps. On reste dans le même immeuble, mais à chaque nouvelle période de la vie de Byung-soo sont associés l’appartement de l’étage du dessus et la fréquentation d’un nouveau personnage féminin.
Au plaisir du jeu temporel retrouvé – on ne l’avait plus vu le pratiquer depuis Le Jour d’après (2017) –, Walk Up associe les fragments du parcours amoureux d’un homme traité sans complaisance. Critiqué par sa fille, qui éreinte l’homme derrière l’artiste, dépeint comme possessif et immature, le personnage, qui annonce d’ailleurs qu’il arrête le cinéma, s’élève pourtant au propre comme au figuré en découvrant, au dernier étage, une forme d’illumination spirituelle et de félicité amoureuse.
Mais elles vont de pair avec un délabrement des lieux puisque l’appartement qu’occupe Byung-soo, où des alarmes ne cessent de se déclencher, fuit de toute part, achevant de faire de cet immeuble une métaphore à la fois mentale et corporelle du personnage.
Tout en y déployant les qualités habituelles de son cinéma, notamment cette façon de faire jaillir le sublime, l’intense et le profond au milieu du banal, du bénin et du trivial, Hong Sang-soo signe un film particulièrement habité, dont le sujet est même, au fond, l’habitation de soi.
Walk Up de Hong Sang-soo, avec Kwon Hae-hyo, Lee Hye-yeong, Park Mi-so (Cor., 2023, 1 h 37). En salle le 21 février.
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