Un documentaire sur l’origine de la vie en forme de ballet cosmique. Du Malick hardcore, dont le jusqu’au-boutisme ne manque pas de panache.
Voyage of Time arrive à un moment crucial pour Malick : sa légende est à un fil de s’effondrer. Après une série de déceptions marquées par le gimmick, sous le feu de moqueries persistantes et d’une critique en berne, Terrence n’a plus toute son aura – il a même rompu son vœu de secret avec sa première apparition publique en plusieurs décennies.
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Mais ce docu sur les origines de la vie, de la Terre, du cosmos, bref du grand tout (on a entendu : “c’est Tree of Life sans le scénario”) ne vient pas colmater ces fissures. Au contraire, il semble là pour faire le tri une bonne fois pour toutes, consommer le divorce entre les fans de Malick première manière et les inconditionnels qui l’ont suivi jusqu’au bout de son néocinéma panthéiste et élégiaque. Et même frapper du poing sur la table, clamer ce mysticisme pour lequel on voudrait le lâcher.
Un pur programme de contemplation méditative
Le résultat est donc beau par son absolutisme. Un pur programme de contemplation méditative, rythmé par la voix angélique de Cate Blanchett, qui scande des mantras dont il faut d’ailleurs clarifier la portée. Non pas de la dissertation mais de la poésie, parsemant le film d’une musique verbale dont l’effet synesthétique devrait suffire à balayer les procès en philosophie de comptoir.
Pour le reste, c’est évidemment moins facile. Malick ne transige pas, c’est à la fois son honneur et son embarras. Les dinosaures en images de synthèse (pauvrement modélisés, mais tant mieux : à l’état de pure convention, on ne les comparera pas à Jurassic World), le ballet cosmique façon économiseur d’écran (dont on peut s’amuser, mais qui reste mû par une volonté d’étrangeté et de profondeur visuelle bien au-delà du petit délire planétarium), tout est là.
Mais à un état de maîtrise, de certitude du geste, qui poussent à croire que le ridicule dont Malick n’a pas peur de se couvrir, les bâillements qu’il se fiche de susciter, tout cela contribue aussi à la hauteur de vue de ses films, leur incongruité majestueuse. On l’a perdu ? Peut-être, mais là où il est désormais, il n’est pas interdit de le trouver encore assez épatant.
Voyage of Time de Terrence Malick (E.-U., 2016, 1 h 30)
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