Un chef-d’œuvre intense sur la guerre du Viêtnam.
1968. Dans la ville ouvrière de Clairton, en Pennsylvanie, le mariage entre Steven et Angela bat son plein. On danse, on boit, on crie de joie ; la fête semble parfaite. Ne serait-ce cette infime goutte de vin – que seul le spectateur distingue – qui s’échoue sur la robe immaculée de la mariée.
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Elle présage de l’enfer que vivront Steven (John Savage) et deux de ses amis et collègues sidérurgistes (Robert De Niro et Christopher Walken) deux ans plus tard Vietnam. Loin d’être gratuite, cette image symbolique est
le point névralgique de la somme d’histoires que raconte ce
chef-d’œuvre de Michael Cimino.
A la fois chronique d’une Amérique, prolétaire et déclassée, issue de l’immigration russe, et méditation vertigineuse sur le point de bascule vers la folie, Voyage… passe de la liesse d’un mariage d’une démesure slave
au chaos vietnamien. Une chasse au cerf, qui donne au film son titre original (The Deer Hunter), dresse le pont entre ces deux séquences. De l’euphorie du mariage, où se jouent amourettes, petites trahisons entre amis et déclarations alcoolisées, à celles, insoutenables, de roulette russe imposée aux trois hommes par leurs geôliers vietnamiens, difficile d’identifier lesquelles sont les plus mémorables tant elles rivalisent de virtuosité et entretiennent un dialogue glaçant.
Grand film sur la perte de l’innocence, convoquant le motif biblique du déclassement du paradis à l’enfer, Voyage… trouve son point d’orgue dans
une scène sublime dans laquelle Mike (Robert De Niro), revenu
du Viêtnam, n’étant guère plus que l’ombre de lui-même, retourne seul chasser le cerf. Alors qu’il pointe son fusil sur l’animal, ce dernier lui adresse le regard apitoyé de l’innocent sur l’homme ayant fait la guerre. Mike baisse son arme. Cet instant où le crime n’a pas lieu est celui du refus
de la folie et l’interruption du cycle de la violence qui avait jusqu’ici contaminé le film. Et c’est immensément beau.
Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino, ( E.-U, 1978, 3h02, reprise ) en salle le 25 juillet
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