L’étrange destinée d’une star de la pop cernée par deux fois par la menace terroriste. Un film inédit en salle et diffusé cette semaine sur Canal+.
Etrange destin que celui de Vox Lux, second long-métrage de Brady Corbet, dévoilé à Venise, en 2018, en relative grande pompe ; puis sorti aux Etats-Unis, en fin d’année dernière, dans une relative confidentialité ; et, enfin, distribué aujourd’hui en France, un an plus tard, directement en DVD, en catimini donc.
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Son apparat laissait pourtant présager si ce n’est un succès du moins une belle sortie en salle : Natalie Portman et Jude Law au casting (en plus de la Franco-Britannique Stacy Martin), un sujet passionnant (“pop music et terrorisme”, vous avez deux heures), et une réalisation de Brady Corbet tout en virtuosité “européenne” (comme disent les Américains).
Choix singuliers
Il faut toutefois admettre que tout, dans Vox Lux, est étrange, pas seulement sa distribution : son personnage principal (qui change d’actrice à mi-parcours), sa narration (qui mêle plusieurs régimes et tempos, et croit bon – erreur – de s’adjoindre une voix off mi-sentencieuse, mi-ironique du diable Dafoe), certains choix de mise en scène (une distance excessive par endroits), l’interprétation de sa star (parfois outrée, parfois fascinante).
Scindé en longs blocs narratifs de vingt à trente minutes, avec une nette coupure temporelle au milieu (on passe brutalement de 2001 à 2017, par l’annonce de l’attentat contre le World Trade Center), le film raconte le destin d’une pop star prénommée Celeste (d’abord Raffey Cassidy, puis Natalie Portman), confrontée, à deux moments clés de sa vie, à des tueries de masse : la première, en 1999, inspirée de Columbine, qui détermine sa vie adulte ; la seconde, en 2017, inspirée des attentats de Sousse en Tunisie, qui perturbe la tenue d’un grand concert censé sceller son come-back.
Brady Corbet, qui a réalisé en 2015 L’Enfance d’un chef (beau film jamais distribué lui non plus) mais qu’on connaît surtout comme acteur, hyper-doué, chez Haneke, Trier, Östlund, Campos, Bonello, Assayas, Hansen-Løve (excusez du peu), semble ici vouloir restituer, d’un coup d’un seul, tout ce qu’il a appris au contact de ses maîtres – dont on notera, pour les premiers en tout cas, le penchant sadique qui a dû déteindre chez le jeune cinéaste américain.
Comme si, à vouloir démontrer toute la palette de ses compétences, Corbet s’était oublié lui-même en cours de route. Et en même temps, ce n’est pas rien. Hyper-ambitieux, Vox Lux se tient ainsi dans des limbes, flottants, instables, indécidables.
Monstre à deux têtes
Si la première moitié (l’ascension) est parfaitement exécutée, impressionnante de maîtrise, la seconde (les coulisses) se complaît quelque peu dans le portrait, plus teigneux que tendre, d’une star en déclin, prête à tout pour revenir au firmament, quelque part entre Narcisse exorbité et Faust résilient. La charge contre l’industrie de la pop music, pas totalement illégitime, manque de subtilité, et surtout d’empathie (c’est flagrant dans le concert final, étrangement mal filmé).
Le bicéphalisme de la BO, composée d’un côté par Sia, de l’autre par Scott Walker, témoigne de ce tiraillement qui fait, in fine, de Vox Lux ce drôle de monstre dont les deux têtes s’entredévorent.
Vox Lux de Brady Corbet, avec Natalie Portman, Jude Law, Stacy Martin (E.-U., 2018, 1 h 54, sur Canal+ le 12 novembre)
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