Dans “Vous ne désirez que moi”, le nouveau film de Claire Simon avec Swann Arlaud et Emmanuelle Devos, on aperçoit pendant quelques minutes la vraie Marguerite Duras, dans des images d’archives filmées pendant le tournage de L’homme atlantique, en 1981, à Trouville, un film où elle dirige Yann Andréa, le jeune homme homosexuel qui partageait sa vie et qui n’était pas acteur.
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Marguerite Duras est absente du reste du film de Claire Simon et pour cause : le film est basé sur deux jours d’enregistrement accordés par Yann Andréa à une célèbre intervieweuse des années 1980, Michèle Manceaux. Un entretien un peu spécial, puisqu’il a été réclamé, demandé, commandé par le jeune homme à Manceaux, qui était une amie du couple. Il y livre des confidences sur sa rencontre et sa vie avec Duras, la passion très particulière qui les unit. Après l’enregistrement, Manceaux avait donné les bandes à son commanditaire, Yann Andréa, qui n’en fit jamais rien. C’est grâce à sa sœur si ces bandes ont été retrouvées, retranscrites et publiées en 2016, de manière assez discrète, sous le titre de Je voudrais parler de Duras. Arlaux joue Yann Andréa, Devos Manceaux.
L’écrivaine-cinéaste en est absente tout simplement parce qu’elle n’assistait évidemment pas à l’entretien, “recluse” dans la cuisine du rez-de-chaussée. Et en même temps, elle est tout le temps-là, en dessous. Pas loin. On la devine, la sent. On sait que ni Manceaux ni Yann Andréa ne peuvent oublier qu’elle n’est pas loin. Ils parlent d’elle tout le temps et d’ailleurs elle pourrait presque entendre (parfois, le téléphone fait “gling-gling”, signifiant que quelqu’un décroche le combiné d’un autre appareil dans une autre pièce).
Marguerite Duras est la grande absente/présente du film. Car il n’est au fond question que d’elle, de son génie, de sa monstruosité aussi, même si ce que dit Yann Andréa est passionnant, fort, intense, passionnel, violent parfois et d’une extrême lucidité sur les pulsions de vie et de mort qui se mêlent dans une relation amoureuse. Mais on peut y voir autre chose. Une Marguerite Duras qui, même morte, vivrait sous le cinéma français d’aujourd’hui, un peu comme une mauvaise conscience, une âme errante et taquine, pas trop bruyante mais suffisamment pour qu’on sache qu’elle est là. Une Marguerite Duras qui viendrait donner des petits coups, sous la surface parfois (pas toujours !) peut-être un peu trop lisse, conventionnelle, sous un certain (faux ?) parquet du cinéma français contemporain.
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