Le réalisateur d’“Irréversible” signe un huis clos bergmanien à l’élégance inespérée.
Tiens, en voilà un adjectif que l’on ne pensait jamais employer à propos d’un Gaspar Noé : Vortex est un film plutôt sobre. Certes, sobre dans les standards du réalisateur d’Enter the Void. Mais mis à part une galipette de mise en scène (un split screen en temps réel, initiative un peu effrayante au début mais finalement justifiée et menée avec sérénité) et un sujet pas forcément avare de cris et de larmes (la vieillesse, la sénilité, la folie, la mort), le film se tient sur une ligne assez droite, pudique (encore un adjectif inhabituel), élégamment funèbre et réaliste.
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Noé filme la mort, donc, mais la mort de quoi ? D’un couple qui incarne très fort le cinéma (Françoise Lebrun et Dario Argento, statues vivantes de deux familles de la contre-culture cinématographique 70’s, celle d’Eustache et celle du giallo). Et donc de ce qui, avec les deux, menace de disparaître : en témoigne le décor, presque aussi marquant, de cet appartement du XVIIIe arrondissement filmé comme la grotte du savoir et de la poésie du siècle passé, croulant sous les livres que bientôt plus personne ne lira et les films que plus personne ne verra.
Huis clos bergmanien
Tout ce qui leur survivra est un fils toxicomane en sevrage (Alex Lutz), qui aura trop à faire (rester vaguement debout, pour commencer) pour s’offrir le luxe de conserver ces reliques. Noé filme aussi sa mort à lui : le réalisateur a récemment réchappé d’une hémorragie cérébrale ; il se confronte au sujet avec le calme et l’attention de celui qui se sent trop concerné pour pouvoir se permettre d’être tapageur.
En résulte un film qui tient moins de la séance d’anatomie gérontologique à la Haneke (Amour, qui forcément n’est jamais loin) que du huis clos bergmanien par son mélange de renfermé, de violence, d’étrange tendresse et de profond chagrin. Un peu inespéré.
Vortex de Gaspar Noé, avec Françoise Lebrun, Dario Argento, Alex Lutz (Fr., 2021, 2 h 22). En salle le 13 avril.
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