Deux documentaires problématiques sur des sans-papiers en résidence administrative.
Le voici donc, Vol spécial, l’objet de la polémique qui avait ébranlé le dernier Festival de Locarno. Le président du jury, le producteur Paulo Branco, l’avait en effet traité de “fasciste”, recevant en retour une salve d’injures xénophobes et droitistes surprenantes de la part de journalistes hélvétiques réputés pour leur pondération…).
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Dans la ligne de son film précédent, La Forteresse (qui sort aussi en salle et en DVD et décrivait un centre d’accueil pour demandeurs d’asile), Fernand Melgar décrit, sur des mois, la vie quotidienne de sans-papiers dans le confortable centre de détention administrative de Frambois du comté de Vaud.
La plupart des personnes incarcérées travaillent et paient leurs impôts en Suisse depuis des années sans avoir jamais commis le moindre délit. Elles sont détenues pendant un maximum de dix-huit mois, dans l’attente d’un acte de justice imprévisible qui décide de leur sort immédiat : libération et autorisation de rester en Suisse dans le meilleur et le plus rare des cas ; renvoi dans leur pays d’origine par vol régulier, ou expulsion, plus musclée, par vol spécial, le plus redouté car le plus violent et le moins discret (les vies de la plupart d’entre elles étant menacées dans leur pays natal).
Les deux films de Melgar ont un point commun, qui est au cœur de la polémique : ils montrent les gardiens sous leur plus beau jour. Ceux qui ont accepté d’être filmés manifestent une réelle humanité, tentant sans cesse de remonter le moral des individus dont ils ont la charge, écoutant leurs chants ragga avec un grand sourire.
Mais l’on comprend aussi que leur humanité a un but très précis : éviter la moindre montée de violence. Il s’agit “d’endormir” les prisonniers jusqu’au moment de l’expulsion, afin qu’elle se déroule le mieux possible… On apprend à la fin du film que ce n’est pas toujours le cas (certains expulsés, trop sanglés, y ont laissé leur vie…).
Certes, les autorités suisses, contrairement à la France, ont accepté de laisser entrer un cinéaste dans leur système carcéral, et on ne peut leur dénier ce courage démocratique.
Mais le film crée peu ou prou un malaise et amène une série de questions : si l’on devait s’en tenir au film de Melgar, doit-on comprendre que la Suisse serait le seul pays au monde où les tentatives d’évasion, ou pire les suicides, n’existent pas en prison ?
Melgar a choisi de ne filmer qu’un seul centre de détention, considéré comme “modèle”, arbre cachant une forêt inconnue.
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