Arnaud Desplechin décrypte Dylan et le Talmud, Christophe Honoré nous a envoyé un petit film et Gus Van Sant se plonge dans le chaos d’une famille schizophrène.
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Arnaud Desplechin, cinéaste et metteur en scène
Murder Most Foul de Dylan
Le Livre brûlé de Marc-Alain Ouaknin
Confinement
Quatre semaines de confinement déjà… Curieusement, enfermé, je n’arrive pas à revoir les films déjà aimés, ni l’après-midi ni le soir. Les sorties me manquent, la nouveauté, les salles aussi.
Ce sont un livre et une chanson qui m’auront occupé tout ce temps, tous deux en parallèle…
La chanson, eh bien, c’est Murder Most Foul de Dylan ! C’est l’ami Kent Jones qui m’envoyait le lien YouTube de New York, dès le morceau sorti. Un séisme.
J’ai cette faiblesse de ne pas savoir écouter avec assez d’attention les paroles des chansons françaises ou anglo-saxonnes, je me laisse bercer dans leurs mélodies, comme un enfant… Mais devant une telle montagne : dix-sept minutes qui nous laissaient par terre, je me suis rué sur les sites où les paroles étaient transcrites, annotées, commentées par les internautes érudits. Ainsi, je travaille ce texte depuis sa sortie, un peu chaque jour, décryptant ses références en cascade, ses énigmes de génie.
Assassinat de Kennedy et début de la fin de l’innocence américaine… Soit, le thème même de Once Upon a Time… in Hollywood, qui est certainement le film qui aura le plus compté pour moi cette année : mort de Sharon Tate ici, et là mort de JFK. Deux fois un chant funèbre, comme une déploration.
Le livre maintenant. Il y a des années déjà, Les Dix Commandements de Marc-Alain Ouaknin m’enchantait, m’enseignait. Souvenirs émus des Lectures talmudiques de Levinas, qui m’avait déjà tant appris avant ma trentaine. Je ne sais quelles réponses je trouvais dans ces livres ; j’y apprenais sans doute à poser des questions, à ouvrir un texte, à lire aux éclats.
Lentement, très attentivement, profitant de cette période recluse, je me suis donc plongé dans Le Livre brûlé jusqu’à ses derniers chapitres sur Rabbi Nahman de Braslav. Comment un jour d’hiver de 1808, l’arrière-petit-fils du Baal Shem Tov, fondateur du hassidisme, devait faire brûler par son disciple Rabbi Chimon son dernier livre, le plus ésotérique… Vertige devant la virtuosité du lecteur Ouaknin.
Me voilà donc partagé depuis un mois entre deux exercices de déchiffrement, à jouer avec les mots, les rimes, les lettres…
Ouaknin, Dylan…
Quatre semaines encore à tenir. Où me conduiront mes lectures ? J’ai bien des nouvelles de Tchekhov qui m’attendent. Mais une chanson comme Murder Most Foul, combien de temps l’avons-nous attendue ? Assayas m’écrivait ces jours-ci : « C’est comme découvrir une œuvre indispensable qu’on attendait sans savoir qu’on l’attendait. »
Murder Most Foul de Dylan (2020).
Le Livre brûlé de Marc-Alain Ouaknin (Points Seuil, 1993). Disponible en version numérique
Christophe Honoré, cinéaste et metteur en scène
En guise de recommandation, Christophe Honoré nous a envoyé une courte vidéo réalisée chez lui, pendant le confinement, évocation de Closer de l’écrivain américain Dennis Cooper (un recueil de dix-huit nouvelles entre défonce et sexe hardcore, écrites sur plus de vingt ans et publiées chez P.O.L en 1995) et Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock.
Gus Van Sant, cinéaste : Hidden Valley Road – Inside the Mind of an American Family de Robert Kolker
Il n’y a pas tellement de choses qui m’apportent de l’aide en ce moment. Ni de réconfort. En revanche, je sais gré à certaines œuvres de représenter une forme de chaos. C’est le seul type de représentation dans lequel je peux me projeter aujourd’hui. C’est le cas par exemple du livre que je lis actuellement et qui me passionne, Hidden Valley Road – Inside the Mind of an American Family. Dans ce récit de non-fiction, l’auteur, Robert Kolker, fait le portrait d’une famille nombreuse du Colorado dans la seconde moitié du XXe siècle (https://soundcloud.com/penguin-audio/hidden-valley-road-by-robert). Sur douze enfants, six ont été diagnostiqués schizophrènes.
Hidden Valley Road – Inside the Mind of an American Family de Robert Kolker (Doubleday, 2020). Disponible en version numérique en anglais, non traduit en français
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