[Hors série Cheek x Les Inrocks – Plaisir féminin] Il est encore (trop) rare de voir des scènes, dans les séries ou au cinéma, où le plaisir féminin est pris en considération et montrent autre chose que la sempiternelle pénétration. Sélection de dix séquences totalement female gaze.
Sex and the City (saison 4, épisode 1)
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Même si l’on peut formuler de nombreux reproches à Sex and the City, et notamment sur la crédibilité de ses personnages pleins aux as, la série diffusée sur HBO entre 1998 et 2004 a été l’une des premières à parler aussi ouvertement de la sexualité des femmes à la télévision. Et à la montrer. Sex and the City a notamment consacré plusieurs scènes à la masturbation, en particulier au travers des expériences de Samantha. Dans une scène culte de la saison 4, elle rentre chez elle rapidement pour pouvoir se masturber après avoir croisé dans la rue un moine qu’elle trouve sexy. Rien n’est montré frontalement – elle est bien sûr recouverte d’un drap –, mais la caméra s’attarde sur son visage en plein orgasme, calé pour l’effet comique sur des chants religieux.
Boys Don’t Cry (Kimberly Peirce, 1999)
Le film de Kimberly Peirce a été une petite révolution à plus d’un égard. Non seulement parce qu’il représente une histoire d’amour queer entre Brandon, un homme trans (joué à l’écran par une femme cis) et une femme, mais aussi parce qu’il suggère une scène de cunnilingus encore très rare à l’écran à l’époque. La caméra s’attarde sur le visage de Chloë Sevigny, en pleine extase. Cette scène axée sur le plaisir féminin est d’autant plus symbolique qu’elle marque le moment où son personnage découvre que Brandon est un homme trans.
Orange Is the New Black (Saison 1, épisode 4)
La série se déroule dans une prison pour femmes et Orange Is the New Black n’a eu de cesse pendant ses six ans d’existence d’explorer la sexualité féminine, les relations entre femmes et l’inventivité des détenues pour se donner du plaisir. En marge des séquences de cunnilingus et de masturbation, la créatrice de la série Jenji Kohan a particulièrement marqué les esprits avec une scène de la première saison où le personnage de Big Boo vole un tournevis à Piper et s’en sert comme d’un godemiché. La scène montre d’abord le visage de Boo, crispé de plaisir, puis la caméra recule et se concentre sur sa main tandis qu’elle lâche le tournevis emprisonné dans un gant en latex.
Lady Bird (Greta Gerwig, 2017)
Greta Gerwig fait partie de cette génération de réalisatrices qui a pour objectif de se débarrasser du male gaze en montrant notamment une image plus juste de la sexualité des femmes. Son premier film solo Lady Bird a ainsi été salué pour une scène de sexe dans laquelle le personnage interprété par Saoirse Ronan perd sa virginité avec un des garçons du lycée, interprété par Timothée Chalamet. Ce dernier lui demande de monter sur lui et avoue avoir menti sur sa propre virginité. Gerwig désacralise totalement ce moment, souvent érigé dans les œuvres sur l’adolescence au rang de rite de passage, en filmant frontalement la déception de son héroïne. Le female gaze, c’est aussi montrer que le début de la vie sexuelle d’une femme peut être terriblement décevant.
Carol (Todd Haynes, 2015)
Le film très sensuel de Todd Haynes retrace une histoire d’amour entre deux femmes dans l’Amérique des années 1950. Le cinéaste filme avec beaucoup de sensibilité la naissance du désir entre Carol (Cate Blanchett) et Therese (Rooney Mara). Il réussit parfaitement à mettre en scène la manière dont leur plaisir passe par des gestes discrets : sentir le parfum de l’autre, lui effleurer la main, caresser ses cheveux du bout des doigts… La scène de sexe, pendant laquelle un cunnilingus est suggéré par un gros plan du visage extatique de Rooney Mara, est le point culminant de ces longs préliminaires.
https://www.youtube.com/watch?v=kECQwBOkltY
The Deuce (Saison 1, épisode 6)
Dans l’épisode 6 de la saison 1 de The Deuce, le personnage de Candy, une prostituée interprétée par Maggie Gyllenhaal, couche avec un garçon qu’elle vient de rencontrer et qu’elle trouve sympathique. Elle ne jouit pas pendant la pénétration et décide donc de prendre les choses en main en se masturbant. L’actrice a dû se battre avec la production et avec le créateur de la série, David Simon, pour intégrer cette scène à l’épisode. Pourquoi, dans une série centrée sur la prostitution qui montre de nombreux orgasmes masculins, ferait-on l’impasse sur le plaisir des femmes ?
Sex Education (Saison 1, épisode 6)
La série britannico-américaine fait beaucoup d’efforts dans sa première saison pour aborder un large panel de sujets autour de la sexualité : le slut-shaming, le vaginisme, la virginité… Et elle ne passe pas à côté du plaisir féminin. Dans l’épisode 6 de la première saison, Aimee confesse à Otis, l’apprenti sexologue du lycée, qu’elle ne sait pas ce qui la fait jouir. Il lui conseille de rentrer chez elle et de se masturber. La scène est particulièrement révolutionnaire puisqu’elle ne cherche absolument pas à être excitante ou séduisante. On y voit juste une jeune fille en T-shirt de pyjama qui cherche ce qui lui plaît. Le female gaze à l’œuvre.
Portrait de la jeune fille en feu (Céline Sciamma, 2019)
Dans son dernier film, Céline Sciamma raconte une passion brûlante entre une peintre et son modèle, dans laquelle les rôles n’ont de cesse d’être inversés, et réussit à faire monter le désir et la tension jusqu’à une scène d’amour très singulière entre les deux femmes qui se glissent sous l’aisselle une sorte de mixture, achetée plus tôt à des femmes aux pouvoirs mystérieux. La réalisatrice filme très lentement une scène de pénétration de doigts sous l’aisselle où la fente créée par les plis de la peau évoque bien évidemment le sexe féminin. Le female gaze c’est aussi mélanger, comme dans cette séquence, le plaisir et l’humour jusqu’à la jouissance.
Le Hors série Cheek x Les Inrocks « Plaisir féminin » sera disponible en kiosque à partir du 7 février
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