Photogénie et instinct, sensibilité et intelligence, charisme et rigueur : à 21 ans, Virginie Ledoyen est déjà parée de toutes les qualités qui devraient faire d’elle la grande actrice du cinéma de demain. Aujourd’hui, après trois rôles en or offerts par Olivier Assayas et Benoît Jacquot, la sauvageonne au front buté s’est métamorphosée en danseuse pour Jeanne et le garçon formidable, où elle marie gravité et légèreté comme personne.
Juillet 1997. Rotonde de Ledoux, place Stalingrad à Paris. Mise en place d’un travelling de Jeanne et le garçon formidable, la comédie musicale que tournent Olivier Ducastel et Jacques Martineau. Le visiteur scrute discrètement le paysage à la recherche de Virginie Ledoyen, ne la trouve pas, finit par se convaincre qu’elle attend la reprise du tournage dans sa caravane. Bizarrement, une fille est assise en plein milieu du plateau, plongée dans un bouquin. Tout le monde s’affaire autour d’elle sans que cela ne perturbe sa lecture, sans que personne ne s’étonne de sa présence. « Tout le monde en place pour la répétition. » Virginie replie son livre, prend ses marques à l’angle du boulevard de la Villette et de l’avenue Jean-Jaurès avant que la musique ne s’élève dans l’air estival.
Dans cette scène, Jeanne court prendre son métro et croise un jeune homme qui lui dit la voir passer tous les matins. Comédie musicale oblige, le dialogue est chanté. Virginie et son partenaire danseur rejoignent le bassin de la Villette en esquissant quelques pas d’une chorégraphie sans sophistication, les réalisateurs ayant demandé à la chorégraphe de danse contemporaine Sylvie Giron de ne pas trop compliquer les passages dansés, afin de les intégrer en douceur au reste du film. Pour cette répétition, Virginie semble toutefois enchaîner ses gestes un peu mécaniquement. Chapeau de paille sur la tête, le réalisateur Olivier Ducastel est assis devant son moniteur vidéo. Son complice Jacques Martineau, qui a écrit le scénario et les paroles des chansons, est plus fébrile : pendant la douzaine de prises qui vont se succéder, il suit le travelling, juste derrière le chef opérateur. Depuis que la caméra filme la scène, Virginie est bien meilleure danseuse. Et cinq mois plus tard, à la première projection du film, l’impression sera définitive : elle interprète Jeanne merveilleusement, avec un idéal mélange de grâce et de naturel. Troublante métamorphose. De l’extérieur, d’aucuns auraient pu craindre que Virginie ne s’investisse pas assez, qu’elle flirte dangereusement avec une certaine fadeur. En réalité, il faut voir le film pour véritablement appréhender son travail. En presque dix ans de carrière, elle a compris que la caméra était une loupe : pour trouver le naturel, mieux vaut en faire le moins.
Virginie Ledoyen a grandi à Aubervilliers, dans un milieu qu’on a l’habitude de qualifier de modeste. « Mais je me méfie avec cette expression, parce que tout de suite ça devient Cosette ou Cendrillon, née dans la zone pour finir dans le cinéma. La vérité, c’est que j’ai eu une enfance particulièrement heureuse. Mes parents m’ont eue très jeunes, ce qui explique peut-être que je me sente si proche d’eux. » Petite fille indépendante au caractère bien trempé, elle n’aime pas plus que ça la compagnie des enfants de son âge, adore se retrouver parmi des adultes qui la prennent au sérieux. Mais comme il est encore un peu tôt, elle a trouvé en attendant un substitut pour se sentir grande : la lecture. « Ma mère m’a appris à lire à 4 ans et dès lors, j’ai dévoré. Au départ, c’est comme avec certains grands films : tu ne comprends pas forcément tout, mais tu captes des choses qui se stratifient en toi sans que tu en sois forcément consciente. » Pour ses premières photos, le cliché des parents frustrés qui reportent tous leurs espoirs déçus sur leur progéniture ne marche pas : « Les enfants d’une amie de ma mère faisaient un casting pour une pub. J’ai eu envie d’y aller aussi : c’est comme ça qu’on m’a repérée. » Déjà photogénique, elle atterrit dans un fichier et pose parfois le mercredi après-midi ou pendant les vacances. « Mes parents ne m’ont pas du tout forcée : c’était mon désir. Avec le recul, je leur suis reconnaissante de m’avoir fait confiance. Mais ils ont toujours eu en tête que mes études ne soient pas perturbées. Ils ont les pieds sur terre : les études d’abord. Quand j’ai été choisie pour un petit rôle dans Les Exploits d’un jeune don Juan de Gianfranco Mingozzi, en 1986, ils ont décidé de m’inscrire à l’école du spectacle. Pas tant pour les activités artistiques, mais parce que les horaires y sont aménagés en fonction des tournages. » Le film, assez anodin, lui fait prendre conscience de l’attrait ludique du métier « Un monde d’adultes, les costumes, la coiffure : j’étais dans le pur plaisir du jeu. » Elle va désormais seule au casting, où elle tranche avec toutes les petites filles modèles chaperonnées par leurs mères-coiffeuses-maquilleuses-caméristes. « A 13 ans, lors de l’audition pour Mima de Philomène Esposito, j’avais pris le métro toute seule, habillée en Agnès b. de la tête aux pieds, je lisais un magazine très grande dame. » Avec le rôle-titre de Mima, Virginie réalise que jouer est aussi un travail, « d’autant que Philomène est la réalisatrice la plus exigeante avec laquelle j’ai tourné. » « A 13 ans, se souvient la cinéaste, on ne pouvait pas dire qu’elle était déjà comédienne, mais pressentir ce qu’elle allait devenir. Elle avait beaucoup de caractère. Cette solidité me rassurait parce que c’est toujours un cas de conscience de faire tourner quelqu’un d’aussi jeune. »
Pour la sortie de Mima, Virginie prend son nom d’actrice, Ledoyen. Celui de sa grand-mère paternelle, qui avait tâté du théâtre avant de disparaître prématurément, deux ans après la naissance du père de Virginie. Une grand-mère fantasque, mariée à un Africain puis à un réfugié républicain espagnol qui deviendra le grand-père de Virginie. Les grands-parents maternels, espagnols eux aussi, sont communistes, victimes de la répression franquiste. Une généalogie cosmopolite qui offre à Virginie des cousins blacks, espagnols et kabyles. Un melting-pot qu’elle prolonge avec Mima, où elle interprète le double de la réalisatrice enfant, une Calabraise de braise. Le film sort début 91, alors qu’on ne parle que de la guerre du Golfe. Mais la profession ayant remarqué la gamine grave au front buté, elle donne quelques mois plus tard la réplique à Marcello Mastroianni et Michel Piccoli dans Le Voleur d’enfants de Christian de Chalonge. Celle qui deviendra son agent, Myriam Bru, voit coup sur coup les deux films : « Elle m’est apparue comme une évidence. Si jeune, autant de coeur, de talent, d’humanité, c’est très rare. Evidemment, il faut la photogénie et elle l’a ; mais, en plus, elle dégage quelque chose d’extraordinaire. Elle me fait penser à Piaf : le talent naturel plus le coeur. Toutes deux sont nées en sachant déjà tout. Pour la précocité, on peut aussi la rapprocher de Jodie Foster. Elles ont également en commun une grande intelligence. Virginie sait intégrer les critiques de manière constructive : ce n’est pas si fréquent chez les actrices. Dites-lui qu’une robe ne lui va pas, elle l’enlève. Dites-le à une autre, elle ne vous parle plus jamais. » Myriam Bru s’occupera dès lors de cet instinct qu’elle a su repérer. Premier gros projet : Mouche, de Marcel Carné. Grand nom, mais cinéaste en toute fin de carrière. L’espoir se transformant en casserole, « elle a appris la dureté du métier, estime Myriam Bru. Les projets qui traînent des années pour ne finalement pas se faire. Et évidemment, personne ne prend son téléphone pour vous l’annoncer. » « Au départ, jouer Maupassant me tentait bien, raconte Virginie. J’étais dans l’âge où il faisait partie de mes auteurs préférés. On a fait la tournée des festivals pour trouver des financiers. Marcel Carné me promenait, accrochée à son bras. Au bout d’un moment, j’ai commencé à sentir que ça ne se ferait pas. Je n’ai pas eu des tonnes de regrets parce que je le trouvais assez méchant. Charmant avec moi, mais odieux avec les autres. » Elle glisse d’autant plus facilement sur l’incident qu’on lui propose un petit rôle dans Les Marmottes, qui l’inscrit dans un paysage d’acteurs familiers, comme un jeu de sept familles du cinéma français : Anouk Aimée dans le rôle de la grand-mère, Christine Boisson dans celui de la mère, elle dans celui de la fille.
S’ouvre alors une période décisive avec la rencontre d’Olivier Assayas et de Benoît Jacquot. Le rôle de Christine dans L’Eau froide va la faire sortir du registre enfant-acteur : en jouant une rebelle à contre-courant de ses rôles précédents, elle prouve l’étendue de son registre. « C’est à partir de L’Eau froide que la mise en scène a commencé à m’intéresser. J’ai compris alors que si le metteur en scène décidait de faire un plan-séquence et pas un champ-contrechamp, c’est que ça avait du sens. Depuis, je suis assez scripte sur les tournages ! Humainement, Olivier est quelqu’un de très doux sans être mièvre. Il sait capter les gens sans insister. J’ai une confiance absolue en lui. Je crois que c’est le seul avec qui je pourrais tourner cinquante fois de suite. »
L’Eau froide sort en 94 et on commence à parler de Virginie. A 16 ans, elle vient de quitter le foyer familial pour s’installer en plein Paris. Myriam Bru n’est pas loin : « Moi qui avais déménagé plus de cinquante fois, je croyais lui donner des conseils. Elle m’a dit qu’elle avait acheté Le Figaro, le Herald Tribune, prit rendez-vous dans telle agence bien précise : elle en savait plus que moi ! Elle pourrait me convertir malgré elle au bouddhisme : c’est comme si elle avait hérité d’un savoir d’une autre vie. »
Le rôle d’Olivier Assayas dans le parcours de Virginie ne s’arrête pas au très beau film qu’il a tourné autour d’elle. Benoît Jacquot cherchant une actrice pour jouer à la fois la Marianne de Marivaux et la Valérie de La Fille seule, Assayas lui souffle le nom de l’actrice qui, quelques semaines plus tard, est à Prague pour le tournage de La Vie de Marianne, diffusé sur Arte pour Noël 95 et dont une version plus courte attend toujours une sortie cinéma. « Le premier jour du tournage de Marianne, Benoît m’a tendu le scénario de La Fille seule. Il savait depuis le départ que l’actrice de l’une ferait l’autre. J’ai adoré jouer ces deux faces d’une même médaille. » Dans La Fille seule, elle est de chaque plan. En temps réel dans les couloirs du Concorde Saint-Lazare, le trio Benoît Jacquot-Virginie Ledoyen-Caroline Champetier réussit un travail radical. Chef opérateur du film, Caroline Champetier est d’abord impressionnée par la photogénie de Virginie : « Elle peut être incroyablement lumineuse quand sa peau reflète la lumière. Mais sa peau peut aussi boire la lumière, l’aspirer. C’est très rare qu’une même actrice soit à la fois la lune et le soleil. » Alors que la caméra ne la lâche pas, Virginie prend une leçon de cinéma : « C’est sur ce tournage que j’ai compris que la caméra était un véritable partenaire. J’arrive à l’ignorer en surface mais, au fond, je n’oublie jamais qu’elle est là. » Une conscience qui ne la fait pas pour autant prendre un masque : « Elle demande une attention formidable à la caméra, explique Caroline Champetier. Elle a une vivacité et une rapidité assez proches de l’enfance. Un rythme pas forcément facile à cadrer, mais passionnant. En outre, la rapidité de son débit de voix m’enchante. » Caroline Champetier et Benoît Jacquot sont d’accord pour qualifier La Vie de Marianne et La Fille seule de documentaires sur Virginie. Alors qu’il ne connaît qu’un succès d’estime à Paris, La Fille seule, pour un film français, fait un petit tabac à New York et à Los Angeles. Woody Allen lui fait alors savoir qu’il aimerait la faire travailler et Abel Ferrara lui envoie une nouvelle de William Gibson en lui proposant le rôle principal. « J’étais assez galvanisée en faisant le voyage pour New York, mais je suis tombée sur quelqu’un de fou, de totalement junkie. Il aurait fallu que je sois dans le même état que lui pour plonger. Ce n’est pas le cas. J’aime beaucoup ce métier, mais pas au point de me faire du mal. Il a finalement pris une Italienne qui est géniale. »
Entre les deux Jacquot, Virginie a rencontré Claude Chabrol pour le rôle de La Cérémonie. « Je venais de quitter mon fiancé. Je pleurais depuis deux jours et en un quart d’heure Chabrol m’a remonté le moral. Le tournage à Saint-Malo a été du bonheur pur. Pour la scène de l’assassinat, on avait des poches de sang sous nos vêtements, mais on n’arrêtait pas de rigoler. » Olivier Assayas, bon camarade, joue à nouveau les passeurs en présentant Virginie à son ami Edward Yang, jeune metteur en scène taïwanais dont A Brighter summer day avait fait forte impression à sa sortie en France. D’abord hésitante, Virginie finit par partir à Taipei, mais là le tournage prend du retard. Elle y restera finalement trois mois. « De temps en temps, je pensais à Virginie coincée des journées entières sans tourner dans sa chambre d’hôtel, et je culpabilisais d’avoir tant insisté pour qu’elle accepte le rôle », regrette Olivier Assayas. Aujourd’hui, Virginie trouve que l’un de ses meilleurs films est ce Mahjong pour lequel aucune sortie en France n’est pour l’instant envisagée.
Après quelques mois de recul, elle accepte le rôle d’une pseudo rock-star dans Héroïnes de Gérard Krawczyck, grosse production regardable à la condition expresse d’avoir beaucoup fumé. Mais les actrices ont des raisons que la critique ignore : « Jouer cette fille très extravertie qui chante devant des salles de 2 000 fans m’a permis de lever certaines inhibitions. J’ai pris des cours de danse et fait pas mal de gymnastique pour me préparer au rôle. Depuis, je suis beaucoup plus à l’aise sur le plateau. » L’instinct des débuts a-t-il laissé place à un travail de composition ? « C’est une force de la nature et pour l’instant, elle a la grâce, estime son agent. Plus tard, elle aura peut-être besoin de faire des gammes dans un cours, ou au théâtre. » Selon Caroline Champetier, « elle est tellement douée qu’elle n’est pas encore entrée dans le travail ». Pour Olivier Ducastel et Jacques Martineau par contre, elle est déjà dans la composition : « Elle nous a dit que Jeanne était jusqu’à présent le personnage le plus proche d’elle. Cela prouve bien que les autres étaient des compositions. C’est une actrice de composition à la française, c’est-à-dire qu’elle n’est jamais dans la performance d’acteur, ça ne l’intéresse pas. Sa composition, c’est de sembler la plus naturelle possible, mais elle construit ses personnages. D’un film à l’autre, ce n’est jamais la même fille : la petite bourge peste de La Cérémonie, la fille désespérée de L’Eau froide. Et puis elle n’est pas pendant les neuf semaines de tournage dans la peau du personnage. Elle se transforme au moment où on dit moteur.« Pour Benoît Jacquot, la vérité se trouve entre les deux : « Elle compose mais ne veut pas le savoir, et c’est ce qui est bien. Elle refuse aussi de chercher des raisons à tout et elle a raison. » « Comme chez tous les très bons acteurs, confirme Olivier Assayas, elle mêle instinct et composition. De ses débuts très jeune, elle a retenu comment bouger, comment ne pas être intimidée par la caméra. Forte de cette technique, elle peut suivre son instinct, se laisser porter par son intuition. »
Aujourd’hui, Virginie concrétise un vieux rêve : jouer dans une comédie musicale. Mais il a fallu du temps avant qu’elle incarne Jeanne. Au départ, le rôle est écrit pour une jeune femme entre 25 et 35 ans. Myriam Bru, contactée en vue d’une actrice de cet âge, explique à Olivier et Jacques qu’il faudrait rajeunir l’héroïne. Selon elle, cette fille légère qui papillonne de garçon en garçon, puis découvre le grand amour, aura plus de fraîcheur si elle a une vingtaine d’années. D’autres interlocuteurs ont déjà émis l’idée que ce qui passe pour la découverte de la sexualité à 20 ans risque de passer pour de la nymphomanie à trente. Une rencontre est organisée : d’un côté des réalisateurs qui pensent que Virginie est trop jeune pour le rôle et, en face, une actrice qui les prévient d’emblée qu’elle ne pourra pas chanter. Mais Virginie se montre très curieuse du projet : « Elle n’a pas eu seulement une relation d’actrice à personnage, comme c’est presque toujours le cas, mais une relation d’actrice à un projet, explique Olivier Ducastel. Elle aimait la façon de parler du sida, le côté gourmand de Jeanne, sa sincérité : on a été assez vite convaincus qu’elle était l’interprète idéale du rôle. » « Ce film ne ressemble à rien d’autre, et j’aime ça, explique-t-elle aujourd’hui. J’aime beaucoup la liberté de Jeanne, son absence de névrose. Moi-même, j’aurais sans doute plus de culpabilité. Et puis ancrer un film aussi stylisé dans un vrai contexte social, c’est très fort. »
Depuis Jeanne, Virginie a tourné avec James Ivory et travaille actuellement sur Innocence, l’adaptation par Pierre Jolivet d’En cas de malheur de Georges Simenon, ainsi que sur Les Regrets, le nouveau film d’Olivier Assayas. Mais la plupart du temps, elle tourne à un rythme raisonnable. Passer huit mois sans travailler ne la panique pas : entre deux tournages elle voyage, continue à lire beaucoup, surtout la littérature britannique duXIXème siècle, va au cinéma voir les films de Gus Van Sant, Bergman et André Téchiné.
Si tant de gens la trouvent attachante, c’est que Virginie se respecte et respecte les autres. « Elle vous rappelle toujours, explique Caroline Champetier. C’est quelqu’un de droit. » Elle assure toujours la promotion de ses films sans sourciller la publicité des films passant toujours avant la sienne. Une avant-première en plein week-end ne la fâche pas, elle enchaîne toutes les photos qu’il faut sans broncher et est plutôt en avance à ses rendez-vous. Il ne s’agit pas de docilité béate, mais de rigueur et de professionnalisme. Par contre, si les demandes ne sont pas aussi exigeantes qu’elle, son caractère têtu refait surface.
Il n’y a pas à craindre pour la fragilité d’une jeune actrice en devenir : Virginie est un petit soldat. Et elle a ses trucs. Ainsi, alors que tant d’actrices souffrent de l’insistance des regards sur elle, en particulier des regards masculins, elle est plus mateuse que matée manière maligne d’inverser le poids de la charge : derrière ses lunettes, elle ne perd jamais une miette du spectacle de la vie. Calme et posée, curieuse et attentive. Elle concilie lucidité et maturité, apportées par bientôt dix ans de carrière, avec des restes d’enfance qui reviennent par bouffées lorsqu’elle rit à une blague, s’enthousiasme pour un tube à la radio ou pour un bouquin.
On peut désormais s’amuser à la comparer avec des actrices d’autres générations, connues pour leur détermination et leur longévité. Selon Caroline Champetier, « elle aura des périodes comme Jeanne Moreau, des actrices de cette trempe-là. D’abord ce sont des actrices exportables. Virginie a la capacité d’une carrière internationale. Elle n’est pas typiquement française. Elle peut passer pour américaine, pour asiatique… » Pour Myriam Bru, « la comparaison avec Moreau s’impose pour le talent, le goût des auteurs. Mais à l’époque de Jeanne Moreau, les femmes s’identifiaient à Brigitte Bardot. Virginie, c’est le talent de Moreau, plus l’identification. » Benoît Jacquot considère qu’« Isabelle Huppert et Virginie, c’est la même force, qui vient de loin. Il y a chez l’une comme chez l’autre quelque chose qui appelle le gros plan. Où que la caméra soit par rapport à elle, il s’agit de chercher, d’aller approcher, de radiographier quelque chose qui se passe derrière la peau, derrière le regard. » On peut aussi penser à ce qu’écrivait François Truffaut à propos de Catherine Deneuve : « Il ne faut la comparer ni à une fleur ni à un bouquet, car il y a une certaine neutralité en elle qui m’amène à la comparer plutôt au vase dans lequel on peut mettre toutes les fleurs. »
On peut s’amuser à imaginer les surnoms que François Truffaut lui trouverait en tant que petite soeur de comédie musicale de Framboise Dorléac et Kate De Neuve : Virgénie Ledoyen, Virgeou Labenjamine, Virgin The Dean. Si Truffaut ne tournera jamais avec Virginie Ledoyen, tous les réalisateurs français rêvent aujourd’hui au rôle qu’ils vont bien pouvoir lui offrir.
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