La star de la nouvelle génération, celle qu’on voit aussi bien dans les films d’auteur que dans les grosses productions internationales. Mais au-delà des paillettes, Virginie Ledoyen est une jeune femme simple, qui désire avant tout exercer dignement son métier d’actrice.
Pourquoi et comment avez-vous eu envie de faire ce métier ?
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Enfiler le costume du spectacle de fin d’année de l’école m’amusait, même si ce costume n’a pas de raison d’être dans ma vie de tous les jours. C’est le plaisir du travestissement, même si je fais des films qui sont plus ancrés dans le réel, et c’est ça qui me fait rêver. J’ai un côté très voyeur et j’adore aller chez les gens, regarder comment ils vivent. J’aime jouer des gens ordinaires parce que pour moi, ils sont par définition extraordinaires. J’aime interpréter quelqu’un d’absolument quelconque, comme Maria dans le film de Richet, qui devient extraordinaire parce que la caméra s’intéresse à elle. La faire sortir de son ordinarité me fait rêver. Quelquefois, je vois des gens dans la rue et j’ai envie de les suivre, pour savoir qui ils sont, et comment ils sont chez eux, ce qu’ils mangent, s’ils allument la télé en rentrant, je suis très curieuse de ça, beaucoup plus que de lire la vie des stars. Les gens normaux m’intéressent parce qu’ils ne le sont pas, ils en ont seulement l’air, et ça m’excite beaucoup, c’est ce qui me fait fantasmer.
Quels ont été pour vous les moments clés du métier ?
Sur L’Eau froide, Olivier Assayas m’a donné envie d’être vraiment actrice, de ne plus faire du cinéma pour faire du cinéma, de façon égoïste et égocentrique, mais d’être aussi acteur de ce que je fais, de faire des films pour le cinéma. Même si mon statut a changé, le moment où la caméra tourne n’a pas changé, heureusement, c’est toujours aussi fort : tu t’oublies, tu es dans l’acte même, c’est magique et ça le reste. Je suis toujours impatiente de ça, c’est vraiment ce que j’aime… Et je suis toujours aussi fébrile et presque béate quand je lis un scénario qui me plaît et que je décide de le faire. Et j’ai toujours la même angoisse : que le metteur en scène change d’avis ! Le propre du métier d’acteur est de dépendre du désir du metteur en scène. S’il ne te prend pas, tant pis, il te prendra peut-être plus tard ou autrement.
Qu’est-ce qui détermine vos choix artistiques ?
L’envie farouche d’interpréter un personnage est essentielle. Si c’est impossible d’imposer son désir à un cinéaste, ou de susciter son désir s’il n’a pas envie de toi, tu peux montrer à quel point tu as envie d’être le personnage. Par exemple, le casting pour L’Eau froide avait été très laborieux, et je crois qu’Olivier Assayas a senti à quel point c’était important pour moi de travailler avec lui et d’avoir ce rôle. A l’inverse, un metteur en scène peut parvenir à te convaincre de faire son film, malgré tes doutes, quand son envie s’impose à toi. Il faut une alchimie, ou alors c’est un travail de commande. Lors d’un casting, rien ne t’est jamais dû. A part le film d’Edward Yang (Mahjong, qui n’est jamais sorti en France), De l’amour, le film de Jean-François Richet, est le premier film qui ait été vraiment écrit pour moi.
Ce qui me donne envie ou pas, c’est le metteur en scène, parce que la relation entre une comédienne et un cinéaste est un échange qui est de l’ordre du don. Quand tu tournes, ça doit être une évidence que ce ne pouvait être que toi le vecteur entre ce cinéaste et son public. Par exemple, Ferrara est un cinéaste passionnant, mais je ne me voyais pas du tout, à ce moment de ma vie, faire New Rose Hotel. Le film est bien, c’était un beau rôle, mais il est bien parce qu’Asia Argento est formidable. Moi, je ne me voyais pas pendant quatre mois à New York, seule, avec un type comme Ferrara avec qui c’est sans cesse tout l’un ou tout l’autre. Je tenais à me préserver une certaine santé mentale. Dans ces cas-là, mieux vaut ne pas se forcer…
La palette des envies est assez large et vient de gens très différents, pas forcément des « auteurs » d’ailleurs, mais c’est assez équilibré entre des auteurs purs et durs et un cinéma plus « industriel », parfois de « grosses machines » françaises. Par exemple, les femmes ne me proposent jamais de films, ça me surprend, alors que mon premier film était Mima de Philomène Esposito et qu’il y a des cinéastes avec lesquelles j’aurais envie de tourner. Mais la palette de choix, ça dépend des moments, il y a toujours un effet boomerang, ça dépend du film qui sort.
Je travaille avec mon agent depuis que j’ai 13 ans et je l’aime beaucoup. Elle travaille toute seule, ce n’est pas une agence, et s’occupe de peu d’acteurs. Comme on se connaît depuis longtemps, je me sens d’autant plus maître de mes décisions. Il est rare qu’on ne soit pas d’accord, parce qu’elle sait parfaitement comment je fonctionne. Quand je ne suis pas bien, elle est là. Et comme je suis nulle pour dealer un contrat, heureusement qu’elle est là ! Elle sait ce que je vaux sur le marché, puisque c’est aussi un marché. Parce que je le vaux bien ! (rires)… Mais jamais elle ne m’a déconseillé de faire un film parce qu’il y avait peu d’argent. Parce qu’elle aime et connaît le cinéma…
Vous faites de la publicité. Quel est votre rapport à l’argent ?
Je n’avais jamais envisagé de faire de la publicité, parce que je pensais que ce n’était pas bien. Du coup, quand je suis allée au rendez-vous pour L’Oréal, six ou sept mois avant de faire La Plage, je n’étais pas en demande, puisque je n’étais même pas sûre de vouloir faire de la publicité. J’étais très dubitative, jusqu’à ce qu’ils m’expliquent que c’est seulement quinze jours par an ! Ça me permet d’être très libre financièrement, c’est un luxe qui m’autorise à choisir les films que je veux faire et à éventuellement accepter de les faire pour moins d’argent, même si c’est toujours beaucoup par rapport à plein de gens qui travaillent, évidemment. Je suis contente de mon travail pour L’Oréal, je ne me sens pas dénaturée, et c’est assez ludique de se promener dans cet univers. Même si je ne le ferais pas à plein temps toute l’année.
Je suis très fière de gagner mon argent moi-même, personne n’est là pour m’en donner à ne rien faire, et c’est très bien comme ça. Si je ne tourne pas pendant un an, l’argent de L’Oréal me permet de ne pas rajouter de l’angoisse financière à l’inquiétude artistique.
Quel regard portez-vous sur le milieu du cinéma ?
Je ne côtoie pas beaucoup le métier. Ce n’est ni une famille ni une confrérie. Et je ne me sens pas faisant partie intégrante d’une corporation.
Je déteste assister à des « premières » de films, quand ce ne sont pas les miens, quand je ne suis pas obligée, parce qu’on se retrouve dans des situations fausses et inextricables, avec tout le cinéma français coincé dans une salle… Je n’aime pas non plus les fêtes, les fêtes de la profession, ça me stresse, je suis mal à l’aise quand j’ai l’impression d’être vraiment dans l’artifice social. Alors que quand je présente Cannes, j’ai un texte, un rôle et une fonction : j’ai quelque chose à y faire. Mais je déteste être en représentation sociale, ça me rend paranoïaque… Dans ce genre de situations, je n’aime pas ne pas savoir ce qu’on attend de moi. Et puis je ne suis pas du tout mondaine, je m’ennuie vite dans ce genre de situations.
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Films principaux :
L’Eau froide d’Olivier Assayas,
La Fille seule de Benoît Jacquot,
La Cérémonie de Claude Chabrol,
Fin août début septembre d’Olivier Assayas,
Jeanne & le Garçon formidable de Jacques Martineau & Olivier Ducastel.
Actuellement :
De l’amour de Jean-François Richet
Prochainement :
Huit femmes de François Ozon, en tournage.
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