Une docu-fiction stylée sur des fous de rockabilly.
Le titre prend le contre-pied de la série Happy Days (Les Jours heureux), vision idyllique des années 1950, bercée par le rock’n’roll. Le film ne se passe pas à cette époque, mais il y a une petite dizaine d’années, où subsistait encore en France une catégorie qui fut balayée avec le XXe siècle : les rockeurs-prolétaires, plus précisément les ouvriers fans de rock’n’roll des années 50. Le premier film météorique de Lucile Chaufour tisse avec brio des interviews de ces O.S. du rock, avec des séquences purement documentaires tournées sur leurs lieux de travail (notamment dans une usine de métaux), et une fiction autour de trois personnages : une jeune femme, son petit ami et deux autres copains, qui vont en auto au Havre assister à un concert, en éclusant des canettes de bière, en écoutant du rock et en prenant des risques sur la route.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ainsi, le parti pris de surdécoupage du film se justifie lors de ces séquences road-movie, parfois pleines de suspense (lorsqu’on double un camion en bravant la mort), au diapason de ces personnages aussi ludiques que durs. Idem pour le noir et blanc, qui n’est pas un choix gratuit, mais cadre avec le style et l’esprit de ces fétichistes du rock des origines. Noir et blanc stylé qui flirte parfois avec l’évanescence et la surexposition, magnifiant l’héroïne, Serena, qui évoque une blonde antonionienne. Car en filigrane, le film raconte aussi une désillusion sentimentale, la désagrégation d’un couple.
Donc, même si bien des figures imposées sont présentes (comme bagnole, bagarre, biture), on est loin des clichés de fête foraine. Lors du concert, un homme présente son fils, qui s’appelle Johnny. Prénom qui n’a rien à voir avec le vieux pantin belge : c’est un hommage à une légende du rockabilly, Johnny Burnette. On ne découvre donc pas seulement un univers codé et rétro d’aficionados, mais un milieu anachronique et surréel.Violent Days a un parfum proustien de fin d’un monde. Aujourd’hui, le rock fifties et son folklore ont disparu des banlieues, et les usines prennent le même chemin, remplacés par le rap et le chômage. La longue séquence du concert, émouvante et désuète, mêle vieilles gloires du néo-rockabilly anglais et fans havrais en famille, qui tentent de ranimer la fureur ancienne.
La “vintage violence”, comme disait John Cale, dont la génération enterra le rock’n’roll…
{"type":"Banniere-Basse"}