Chaque mois, Jean-Marc Lalanne, rédacteur en chef aux Inrocks, part à la rencontre d’un cinéaste ou d’un acteur pour leur faire raconter le lien qu’ils entretiennent aux images : intimes ou quotidiennes, la leur ou celle des autres. Cette semaine, après Christophe Honoré, c’est Vincent Lacoste qui se prête au jeu.
A seulement 23 ans, Vincent Lacoste s’est imposé comme l’un des acteurs français les plus prisés de son époque. A la fois convoité par la nouvelle génération de cinéaste français, chez Mia Hansen-Love dans Eden et plus récemment chez Justine Triet dans Victoria, que par des auteurs plus confirmés : chez Pascal Bonitzer l’an passé en jeune employé dans la haute finance, chez Benoit Jacquot en amant meurtri et bientôt en jeune étudiant amoureux chez Christophe Honoré.
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Pendant cinquante minutes, le jeune homme se remémore ses souvenirs cinéphiles, son goût adolescent pour les rockeurs punk écorchés ainsi que son premier éveil érotique soldé par une terrible frustration.
Initiation cinéphile
Cinéphile averti, Vincent Lacoste se souvient de son éveil aux images de cinéma : de sa terreur indescriptible à 8 ans face à la violence sociale d’Elephant Man de David Lynch à son goût, au collège, pour l’ultra violence d’Orange mécanique de Stanley Kubrick ou Les Affranchis de Martin Scorsese. Mais c’est à 18 ans, lorsqu’il découvre La fièvre dans le sang d’Elia Kazan, « le meilleur film qu’on puisse faire sur une première histoire d’amour », dont l’affiche orne les murs de son salon, qu’il trouve dans le cinéma un impact direct à sa propre vie :
« J’ai découvert le film à 18 ou 19 ans et ça m’a touché directement. C’était une période où j’étais très amoureux. Je vivais ma première histoire d’amour, ce qui coïncidait assez avec le film. Je me suis identifié et le film m’a aidé à passer le cap. »
A la question : « Le cinéma t’aide-t-il à vivre?« , il répond :
« Je ne sais pas si le cinéma aide à vivre, mais en tout cas il aide à mieux comprendre ce qu’on vit. Pour moi un chef d’oeuvre c’est quand on peut transposer ses émotions. Un film comme ‘La fièvre dans le sang’ ou ‘Monika’ de Bergman, sont des films qui touchent des émotions qu’on a la sensation d’avoir vécues. Cela permet de mieux se connaître. »
C’est grâce à ses parents que Vincent Lacoste s’initie au cinéma de la Nouvelle Vague. Là encore il trouve dans les films de Rohmer ou Truffaut un moyen de « se comprendre soi même » et d’apaiser sa « timidité » et sa « mélancolie ». Un des plus grands chocs sera Le Rayon Vert d’Eric Rohmer, dans lequel le jeune garçon trouve un remède à la solitude :
« C’est la première fois que j’ai découvert qu’il y’avait des films qui pouvaient faire échos à des sentiments qu’on avait eut, alors que le film de Rohmer parle d’une fille déprimée qui n’arrive pas à trouver l’amour et ne sait pas où partir en vacance. Moi ça n’était pas ça, même si c’est vrai que j’étais un collégien timide et extrêmement puceau, mais finalement ces deux sentiments se rejoignent. »
La première fois des Beaux Gosses
https://www.youtube.com/watch?v=adY03AiyQpo
C’est en plein marathon cinéphile que le garçon découvre les aventures du jeune et maladroit Antoine Doinel chez François Truffaut. Vincent Lacoste voit en Jean-Pierre Léaud un mentor. Mais celui qui occupe la place de véritable père de cinéma reste Riad Sattouf, auteur de bande dessinée et cinéaste, qui le révèle en 2009 dans son premier long métrage Les Beaux Gosses :
« On s’est rencontré, j’avais quatorze ans. Il a fait évoluer mes goûts, ma personnalité. Il m’a fait découvrir ce que je voulais faire dans ma vie, ce qui est quand même une grand chose. »
Un premier rôle de grand dadais boutonneux et puceau assez compliqué à porter pour l’ado qu’il était à l’époque :
« Quand j’ai essayé la coiffure et le faux appareil dentaire j’étais extrêmement déprimé. Je pensais que c’était un film dans lequel j’allais être hyper classe et que j’allais embrasser plein de femmes. Je n’avais jamais embrassé de fille avant Les Beaux Gosses. La première fois c’était dans la scène du bus. »
Une difficulté avec sa propre image que le temps ne semble pas avoir tarie, malgré une filmographie déjà bien solide. Quand Jean-Marc Lalanne le questionne sur le rapport qui l’entretient avec son image, Vincent Lacoste dit ne voir qu’une seule fois les films dans lesquels il joue. Il poursuit :
«J’ai l’impression d’être mauvais. Je vois ma tête et je me dis que j’ai une mono-expression incroyable et qu’il se passe absolument rien. C’est assez violent de se regarder. »
Nouvelle garde du cinéma d’auteur français
L’année dernière la cinéaste Justine Triet, révélée avec le manifeste La Bataille de Solférino en 2013, offrait à Vincent Lacoste un rôle plus mature (son plus beau à ce jour) de jeune homme vivant une love story mouvementée avec Virginie Effira, en avocate au bord de la crise. Attaché au cinéma français (celui d’Arnaud Desplchin, de Noémie Lvosky, de Christophe Honoré ou encore de Bertrand Bonello) Vincent Lacoste marque sa profonde affection pour la nouvelle génération de cinéastes français, dont il pourrait bien devenir la nouvelle tête de proue :
« Justine Triet, Katell Quillévéré, Zlotowski, Guillaume Brac, Lucie Borleteau. Il y’a plein de réalisateurs en ce moment que j’aime. Il y aussi Thomas Cailley, Riad bien sur, Mia Hansen Love avec qui j’ai travaillé. Je trouve que c’est génial ce qu’ils font. La question est de savoir si cela va rester et prendre une ampleur comme celle de la Nouvelle Vague? »
James Stewart « le plus grand »
Mais récemment, c’est un film américain qui l’a bouleversé. Son dernier choc cinématographique revient au mélo subtil de Kenneth Lonergan Manchester by the sea, un film « extrêmement beau qui ne tombe jamais dans le pathos, à la fois émouvant et d’une lenteur très agréable » et à la prestation de Casey Afleck. Mais celui pour qui il voue un culte invétéré reste James Stewart :
« James Stewart c’est quand même l’un des plus grands acteurs de tous les temps. Il peut être hilarant comme dans ‘Fenêtre sur cour’ : il est sur sa chaise il ne fait que gueuler. Il me fait penser à mon papi. »
La plus grosse décharge érotique
https://www.youtube.com/watch?v=kIIz39ZOSo4
L’une des premières décharges érotiques de Vincent Lacoste est assez cocasse. Il n’a que 9 ans, quand prostré devant la télé avec sa petite soeur, il tombe fasciné sur une séquence d’American Pie diffusé à la télévision. Un moment d’éveil à l’érotisme qui se soldera pour le jeune garçon par une terrible frustration :
« J’étais sensé mettre ‘Mulan’ pour ma soeur. A la télé il y’avait American Pie. C’était une scène où une nana s’apprête à coucher avec un gars. Elle est en soutif et des gas la regardent à la webcam. J’étais surexcité : c’était la première fois que je ressentais un truc comme ça. Je regardais et ma soeur ne comprenait absolument pas ce que c’était, et moi j’étais fasciné (…) Ma mère est arrivée dans la pièce. J’ai changé juste au moment où la fille va se mettre à poil. J’étais dégouté. Quand elle est repartie, la scène était finie (…) C’était à la fois un énorme éveil sexuel et une frustration extrêmement intense.Tout ça à cause de ‘Mulan’. »
Durant l’entretien, le jeune garçon évoque également son goût pour la série Westworld, pour le dessin plus jeune et le manga One Pièce ou encore sa déférence pour Ingrid Bergman « l’une des plus grandes actrices de tous les temps, si ce n’est la plus grande« .
Pour écouter l’émission en intégralité c’est ici.
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