De leur style violent, naïf et mélancolique, le duo de cinéastes signe un court-métrage mettant en scène un monologue désespéré sur l’état du monde.
L’esthétique est kitsch à souhait, le personnage principal ayant l’apparence d’un bébé numérique au physique trop “kawaii” (mignonitude japonaise). Bébé Colère ressemble drôlement à Bébé Lilly, cette chanteuse virtuelle pour enfants dont nous avons dû subir les tubes dans les années 2000 : de grands yeux bleus, des cheveux blonds, et une très grosse tête par rapport au corps. Mais, le monde que Bébé Colère décrit est loin d’être aussi rose que le bout de son nez. Né innocent, l’enfant a vite fait de devenir un monstre dans ce monde impitoyable…
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Représentant les angoisses d’une génération, Bébé Colère est plein d’une rage incontrôlable qui le mène à des actes extrêmes (danser sur les ailes d’un avion comme dans un clip d’O-Zone, jusqu’au crash). Sous des atours oniriques et choupinous, on devine la personnalité d’un futur terroriste. Car Bébé Colère “souhaite la fin de l’humanité”, n’a aucun espoir en l’avenir et cite le Bréviaire du chaos d’Albert Caraco. D’une lucidité désespérée, l’enfant subit une injustice qu’il recrache au monde sous sa forme la plus violente.
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Poggi et Vinel se font la voix d’une génération
Et des plans prenant la forme de natures mortes post-contemporaines désignent explicitement la jeunesse à laquelle le film s’adresse. Les chips Monster Munch, les emballages de Kinder Bueno ou les images pornographiques sont autant de références aux “millennials”. Tous ces clins d’œil servent une esthétique aussi geek que beauf, véhiculant le souvenir d’une adolescence passée devant les jeux vidéo, puis MTV, les skyblogs et les sites porno. Drôle d’innocence perdue, drôle de mélancolie.
Bébé Colère de Caroline Poggi et Jonathan Vinel fait partie des huit petits essais visuels commandés par la Fondazione Prada dans le cadre du projet intitulé Finite Rants. Et les deux cinéastes n’ont pas hésité à se mettre eux-mêmes en scène dans ce court essai, plus politique qu’il ne paraît.
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