Johan van der Keuken, tout en nous tenant informés de l’évolution de sa maladie, sillonne le monde en se (et en nous) faisant plaisir.
Sur un plan anecdotique, dans ses grandes lignes et dans son esprit, Vacances prolongées est assez proche de la troisième partie du Journal intime de Nanni Moretti, qui faisait la tournée des médecins pour savoir ce qui le démangeait, découvrait qu’il avait un cancer et racontait sa guérison. Ici aussi, van der Keuken lutte contre un cancer, consulte des spécialistes, y compris une chamane tibétaine, et finit par s’en sortir. Evidemment, le cinéaste néerlandais et l’Italien ne sont guère comparables, mais tout le film de van der Keuken rappelle la fin de Caro diario où, guéri, Moretti buvait un verre d’eau avec délectation, tel un nectar divin.
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Ayant tourné Vacances prolongées en pensant qu’il n’en avait plus pour longtemps, comme un adieu à la vie et au cinéma, dénué de toute préoccupation morale, sociale, politique, documentaire, VDK filme en toute sérénité ce qu’il a envie de voir, avec détachement et plaisir. Prenant le contre-pied de films thématiques comme I love $ ou Vers le sud, VDK accomplit un périple presque gratuit autour du monde, entre deux visites à ses cancérologues en Hollande, aux USA. Il devient un jet-setter du réel, un super-touriste préoccupé de belles images. D’accord, j’exagère, je force le trait, mais il y a, malgré la tension stoïcienne que procure l’angoisse du progrès de la maladie, quelque chose de luxueux dans ces incessants sauts de puce à travers le globe. Une chamane propose de le soigner au Népal, hop, on prend l’avion… Tiens, il a envie de voir comment les gens restent joyeux dans l’aride Sahel malgré les privations. Hop, un coup de jet pour le Burkina Faso…
Je sens bien le crime de lèse-majesté d’ergoter ainsi sur les motivations d’un tel cinéaste. Mais il me semble que quelque chose reste flottant, un peu lâche dans ce film. Cela dit, les charmantes manies de VDK comme celle du catalogage de gens, d’objets et des moments réellement magiques, balaient illico ce genre de réserves, toutes relatives. Citons par exemple, dans un village africain, cette superbe litanie de visages d’enfants déclinant à la queue leu leu leurs prénoms avec toutes sortes d’expressions… Et puis, si ce n’est pas le meilleur film de VDK, il reste un des plus personnels, représentatif de son style hétérogène qui met sur le même plan sa maladie, un rituel tibétain, un bout de film commercial allemand piraté au Festival de Rotterdam, une balade en deltaplane dans la baie de Rio, etc. Pour ceux qui ne connaissent pas le cinéma de VDK, Vacances prolongées constitue donc un bon digest de son œuvre, une parfaite introduction.
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