Après que l’armée britannique a massacré les siens, un soldat maori, d’abord au service de la Couronne, se venge. Reprise en version restaurée d’un néowestern d’une grande puissance dramatique.
Peu nombreux sont ceux – et nous n’en faisons pas partie, avouons-le – qui se souviennent qu’en 1983 le réalisateur néo-zélandais Geoff Murphy était venu présenter à Cannes, hors compétition,le film le plus cher de l’histoire de son pays – à l’époque, car depuis Peter Jackson a bien battu le record. L’œuvre ressort aujourd’hui en version restaurée et augmentée, portant fièrement les trois lettres rouge sang de son titre, Utu, qui en maori signifient “vengeance”. Pas un chef-d’œuvre mais un film important, étonnant.
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La vengeance, c’est d’abord celle d’un soldat maori, capitaine dans l’armée britannique, qui constate un jour (dans une première séquence comme hallucinée) que son village vient d’être brûlé, les habitants massacrés, et que les belles promesses des colons sont un leurre. Il se retourne alors contre l’oppresseur, prend le maquis, monte un gang et tue à son tour, décapite, terrorise. C’est alors que la vengeance se dédouble, lorsqu’un fermier blanc, dont l’épouse est cruellement occise, se promet de traquer l’assassin.
La force du film de Murphy – dont la carrière erratique se perpétuera entre les recoins B d’Hollywood et la direction de secondes équipes du Seigneur des anneaux –, qui a souvent des allures de western crépusculaire, est de ne rien cacher de la monstruosité d’une colonisation. La puissance expressive qui se dégage de chacun de ses plans a quelque chose d’entêtant qui ne nous lâche pas deux heures durant.
Violence aveugle
Il ne s’agit pas tant ici de dire que “chacun a ses raisons” – pour reprendre la maxime souvent mal comprise de Jean Renoir, car l’élément-clé, aux antipodes du supposé mollement diplomatique de l’énoncé, est ce qui le précède : “Ce qui est terrible sur cette terre, c’est que…”. Ce serait en effet trop facile et franchement dégueulasse de renvoyer dos à dos colons et colonisés, sur le mode “tout le monde est un peu coupable, faites-vous un hug”. Non.
Mais si la primauté de l’horreur revient bel et bien à l’homme blanc, il n’en reste pas moins que la violence qu’elle déchaîne en retour broie tout le monde avec le même aveuglement. Le Maori renégat, celui qui décide de rester loyal, le fermier vengeur, le jeune soldat britannique et même, dans une certaine mesure, l’officier inflexible, tous apparaissent victimes d’un système qui les dépasse et les projette les uns contre les autres. Tout ceci, cela va de soi, finira mal.
Utu Redux de Geoff Murphy (N.-Z., 1983, 1 h 58, reprise)
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