Les dix, quinze premières minutes sont extraordinaires, enchanteresses. Plan d’ensemble sur un paysage plat, à la fois désertique et verdoyant, où une foultitude de personnes sans liens apparents vaquent à des occupations énigmatiques et joyeuses en plein air : des saltimbanques masqués chantent et dansent en sarabande ; une ribambelle de nains de tous âges […]
Les dix, quinze premières minutes sont extraordinaires, enchanteresses. Plan d’ensemble sur un paysage plat, à la fois désertique et verdoyant, où une foultitude de personnes sans liens apparents vaquent à des occupations énigmatiques et joyeuses en plein air : des saltimbanques masqués chantent et dansent en sarabande ; une ribambelle de nains de tous âges traverse le champ ; un prêtre catholique dit la messe et offre un repas à des vieux mendiants ; trois individus patibulaires s’exercent au lancer de couteau dans les bois ; deux lutteurs costauds livrent un combat amical ; et j’en oublie. Ça pourrait durer des heures comme ça, avec des micro-événements par ci par là ? le curé visitant ses ouailles en vélo accompagné d’un orphelin ; les lutteurs, qui sont en fait des gardes-barrière, abandonnant subitement leur joute en apercevant un train à l’approche ?, si le cinéaste n’avait en fait un dessein précis. D’abord, faire coaguler ces bribes éparses en concentrant le récit sur les deux lutteurs, qui vivent sans s’en rendre compte une relation homosexuelle (platonique). Ensuite sanctionner ce monde insouciant par une série de catastrophes en chaîne. Peu à peu, Uttara se met à ressembler à une parabole chrétienne. Le vaste et riant décor naturel est une sorte de jardin d’Eden où l’introduction d’une femme (Uttara) va peu à peu entraîner le malheur et la chute. A partir de là, le film devient moins intéressant, car trop lourdement symboliste, métaphorique. Pour ceux qui n’auraient pas capté, un plan explicite sur un serpent achève de mettre les points sur les i du mot biblique. Regrettable, fort regrettable même, qu’un cinéaste aussi doué pour le picaresque léger, pour les jolies touches carnavalesques, se sente investi d’une mission moraliste, au lieu de continuer à animer sans arrière-pensée fatalisto-déterministe son splendide tableau naïf. Il préfère nous rappeler par le feu, le viol et la mort, que sans croyance et sans tolérance, l’humanité n’est qu’un cloaque voué à l’autodestruction. Merci pour la leçon de catéchisme.
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